J’ai trouvé un moyen de résoudre le problème de l’énergie avec du béton. Oui, du béton, pas pour construire des barrages ou planter des éoliennes, mais du béton pour alimenter le réseau, éclairer, chauffer.
Je vais vous expliquer, saviez-vous que l’énergie la moins chère aujourd’hui est l’énergie solaire ?
Grâce à la baisse spectaculaire du prix des panneaux solaires, si maintenant vous mettez un panneau solaire dans un endroit très bien éclairé, vous obtenez un kilowattheure à 2 centimes, c’est deux fois moins que les énergies classiques… et polluantes.
En plus d’être la moins chère, l’énergie solaire est extrêmement abondante, le carré rouge dans le Sahara, qui fait à peu près un quart de la France, représente la surface de panneaux solaires permettant d’alimenter, la planète entière en électricité.
Alors, si l’énergie solaire est si peu chère et si abondante, pourquoi n’est elle pas
notre source d’énergie principale ?
Parce qu’il y a un problème : l’intermittence. Le jour il y a du soleil, mais la nuit, il n’y en a pas.
Cette courbe en cloche vous montre que l’énergie solaire arrive de manière concentrée, au milieu de la journée. Mais notre consommation, elle, est plutôt constante, on peut la représenter par cette ligne blanche.
Si on veut alimenter notre réseau électrique avec énormément d’énergie solaire, il es absolument nécessaire de stocker le surplus d’énergie en milieu de journée (en jaune), pour pouvoir l’utiliser le soir et la nuit.
Stocker n’est pas un problème technologique, c’est un problème économique, on sait stocker l’électricité, avec des batteries, mais on ne sait pas stocker l’électricité de façon rentable avec des batteries. Les batteries, comme celle au lithium de votre téléphone, fonctionnent selon une réaction chimique, a chaque cycle de charge/décharge, elle s’use, elle perd de sa capacité, il faut les changer au bout de quelques années, et quand on fait le calcul du coût de stockage dans les batteries on trouve qu’il est très élevé, On l’estime à dix centimes d’euro par kilowattheure.
Si bien que l’énergie solaire, une fois stockée dans les batteries, n’est plus du tout intéressante, elle n’est pas rentable, elle a besoin de subventions, elle ne peut pas se développer.
Alors moi, je ne suis pas chimiste, je suis ingénieur en mécanique. Il y a quelques années, je travaille chez Total, sur les moteurs, je vais au Salon de Détroit, et je vois une startup qui propose de remplacer les batteries des voitures électriques par des « volants ». Pas des volants pour conduire, non.
Un volant, c’est un cylindre ou un disque qui tourne à très grande vitesse pour stocker l’énergie sous une forme qu’on appelle « énergie cinétique ».
Alors les volants ont été faits jusqu’ici en acier, depuis quelques années on fait même des volants en carbone, le très gros avantage des volants par rapport aux batteries, c’est qu’ils ont
une durée de vie illimitée.
Malheureusement pour les voitures électriques, les volants se sont avérés trop lourds, mais moi, j’ai eu la conviction que, quand le poids n’est pas important, les volant avaient un très gros potentiel pour stocker des énergies renouvelables, et j’ai créé ma société (Energiestro), avec mon équipe de 4 personnes, nous avons fait des volants en acier, puis en fonte, nous étions dans la quête du Graal que tout le monde en ce moment cherche : le stockage à faible coût.
Mais les matériaux classiques sont trop chers, il fallait trouver quelque chose de complètement différent. L’an dernier, j’ai eu une intuition : il fallait tester le béton.
Et j’ai découvert que le béton est un matériau extraordinaire pour stocker l’énergie. En effet le béton permet de stocker pour 10 fois moins cher que les matériaux classiques.
Et je peux vous dire que, dans une vie d’ingénieur, ça n’arrive pas souvent de faire un aussi grand progrès en aussi peu de temps, alors, bien sûr, vous allez me dire : si c’est si facile,
pourquoi est-ce que personne n’y a pensé plus tôt ?
Parce que le béton est incompatible avec les volants, le béton ne résiste pas à la traction : si vous tirez dessus, il se casse. Or un volant, quand il tourne, est soumis à une force centrifuge très importante, qui le met dans un état de traction intense, si vous faites un cylindre en béton, il éclate dès que vous le faites tourner.
La solution:
Ma solution consiste à comprimer le béton avec un enroulement sous tension tout autour, de telle manière que le béton reste en compression jusqu’à la vitesse maximale.
Pour simplifier, on va dire que nous le ficelons comme un rôti, ce volant de Stockage Solaire, nous l’avons appelé VOSS.
Alors, comment est-ce que ça fonctionne ?
Quand il y a de l’énergie solaire en excès et qu’il faut la stocker, nous utilisons un moteur électrique pour faire tourner le volant de plus en plus vite, et accumuler de l’énergie cinétique.
A la vitesse maximale, on atteint la vitesse d’un avion de ligne : un peu moins de 1.000 km/h, ça va très vite, mais il n’y a pas de frottement, car nous avons vidé l’air autour du volant, ce qui nous permet de conserver l’énergie pendant plusieurs heures.
Pour récupérer l’énergie, on inverse le système, c’est le volant qui entraine le moteur, qui, à ce moment là, produit de l’électricité, comme un alternateur.
Alors voilà, avec de l’intuition, beaucoup de réflexion, et du béton, nous avons trouvé un moyen de stocker l’énergie à très faible coût : environ 2 centimes d’euro par kilowattheure.
L’association d’un volant en béton avec des panneaux solaires photovoltaïques conduit à une énergie renouvelable, disponible nuit et jour, à un coût inférieur à celui des énergies polluantes.
Actuellement cette technologie est en cours de développement, notre projet à court terme est d’équiper des petits territoires, des petits réseaux électriques, comme la Corse, la Guadeloupe, la Réunion, des villages africains, qui sont alimentés, essentiellement, par des groupes électrogènes, de manière à remplacer le carburant de ces groupes par de l’énergie solaire.
Et notre grand projet, à l’échéance de quatre ou cinq ans, c’est de créer de grandes centrales photovoltaïques dans des endroits très ensoleillés, comme les déserts, de manière à alimenter le réseau mondial avec une énergie propre et bon marché.
Une énergie solaire rentable sans subvention, inutile de vous dire qu’après toutes ces années de recherche, je suis impatient de voir notre technologie arriver sur le marché de l’énergie et le révolutionner.
Car, avec un coût de stockage aussi faible, les énergies renouvelables vont enfin pouvoir remplacer les énergies polluantes.
André Gennesseaux:
Passionné de mécanique, André a développé une alternative à la batterie chimique : une solution mécanique low tech et innovante à base de béton pour enfin stocker l’énergie solaire à bas coût.
Né en 1962, André est ingénieur des Arts et Métiers ainsi que de l’Ecole Polytechnique. En 1988, il commence une carrière de chercheur puis devient responsable de la recherche chez Total (filiales Hutchinson et Paulstra). Il travaille sur des projets concernant la réduction des nuisances des moteurs qui donnent naissance à 20 brevets dont plusieurs sont en exploitation aujourd’hui. Avec sa femme Anne, il fonde Energiestro en 2001, une entreprise innovante française qui développe la technologie du volant de stockage d’énergie, avec pour principal objectif de diminuer le coût du stockage qui est encore bien trop élevé avec la technologie de la batterie. Pour ce projet de volant de stockage solaire, il est lauréat du « Concours Mondial d’Innovation 2030 » en 2014 et remporte en 2015 le concours EDF-Pulse.
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