L’exécution des reprises de bétonnage a fait l’objet depuis très longtemps de divers recommandations, règles et normes qui fréquemment ne faisaient que reproduire des textes antérieurs. Dans quelques textes assez récents on remarque une évolution sur certains points qui résulte des retours d’expérience ainsi que l’étude de laboratoire.
Il s’ensuit que divers textes actuellement en vigueur peuvent être en contradiction entre eux sur ces points. Par ailleurs, aucun texte ne traite de l’ensemble des problèmes posés par les reprises de bétonnages. Pour cela on propose des recommandations appuyées sur l’état actuel des connaissances et de l’expérience pratique, et qui traitent de l’ensemble des problèmes.
Réaliser une « reprise de bétonnage » consiste à bétonner un béton frais au contact d’un béton durci, afin d’assurer une continuité esthétique ou mécanique entre les deux bétons.
Les zones de reprise de bétonnage sont prévues lors de la conception de l’ouvrage et précisées sur les plans d’exécution. Ces zones sont en général prévues, dans la mesure du possible, suivant des plans disposés normalement à la direction des contraintes.
Nota Il est préférable de souligner les joints de reprise de bétonnage plutôt qu’essayer de les dissimuler, afin de préserver l’aspect esthétique du parement en béton. Le calepinage des joints peut être matérialisé par des baguettes ou des réglettes de quelques millimètres d’épaisseur fixées au coffrage puis enlevées après décoffrage.
Nota Pour toute précision complémentaire, il est utile de consulter le guide “Recommandations sur l’exécution des reprises de bétonnage » – Juin 2000 FFB – SETRA – CEBTP.
Les dispositions à mettre en oeuvre pour la réalisation des reprises de bétonnage ont pour but d’améliorer l’adhérence entre le béton ancien et le nouveau béton. Elles doivent être définies dans le Plan d’Assurance qualité.
Lors de la réalisation de reprises de bétonnage, trois recommandations minimales doivent être impérativement respectées :
- La surface de reprise doit être propre : les poussières, la laitance, les produits de cure et les agents de démoulage éventuels doivent être enlevés par soufflage à l’air comprimé et/ou associé à l’action d’eau sous pression,
- La surface de reprise ne doit pas être recouverte d’eau libre. Toute flaque ou film en surface doivent être éliminés par soufflage à l’air,
- Les armatures doivent être décapées et positionnées correctement.
Nota: Le béton de deuxième phase doit être formulé avec un ciment chimiquement compatible avec celui du béton en place.
L’amélioration de la rugosité de la surface de reprise peut être réalisée par un repiquage mécanique et un sablage énergique. Cette opération doit être suivie d’une attaque à l’eau sous pression, pour éliminer les parties altérées par le repiquage.
Une reprise de bétonnage peut affaiblir la résistance, favoriser la corrosion des armatures, compromettre l’étanchéité ou poser des problèmes d’aspect. Elle ne peut donc être exécutée à n’importe quel emplacement. Ils doivent normalement être prévus à l’avance et indiqués sur les plans d’exécution.
Lorsque des aléas obligent à des reprises imprévus, il est nécessaire soit d’appliquer des dispositions particulières du PAQ, soit de soumettre les dispositions envisagées à l’accord préalable du concepteur.
Un arrêt momentané du bétonnage ne constitue pas une reprise si au moment du coulage aussitôt après l’arrêt intempestif, l’aiguille vibrante pénètre dans le béton déjà en place sans laisser une empreinte profonde lors de son extraction : il convient si le béton en place a déjà acquis une certaine fermeté de ne mettre en œuvre dans un premier temps qu’une épaisseur modeste de béton frais et de renforcer la vibration en faisant effectivement pénétrer l’aiguille vibrante dans le béton précédent et en rapprochant les points de vibration.
Dans la plupart des cas une reprise de bétonnage imprévue est traitée de la même manière qu’une reprise courante. Mais comme elle constitue une singularité structurelle, sa position dans l’ouvrage peut exiger des précautions supérieures à celles qu’on prend pour des reprises prévues voisines, voire conduire dans des cas exceptionnels à enlever le béton que l’on vient de couler (opération beaucoup plus aisée au très jeune âge).
Il est vivement recommandé de détecter au stade de l’établissement du PAQ (programme de bétonnage) les cas où un arrêt prolongé du bétonnage impose une démolition, quel matériel devra utiliser, ou devra se faire la reprise et avec quelles précautions.
Les précautions usuelles pour éviter la ségrégation et l’emprisonnement des bulles d’air (hauteur de chute réduite…) prennent une importance particulière pour les reprises de bétonnage.
Lorsque la reprise a lieu sur du béton frais (avant le temps de fin de prise) le béton rapporté doit être fabriqué avec le même ciment, ou avec un ciment chimiquement compatible avec celui du béton en place. Les incompatibilités entre ciments sont rares : c’est le cas entre un ciment alumineux et un ciment à base de clinker lorsque le premier béton n’a pas encore atteint sa fin de prise.
L’étanchéité entre les éléments de coffrage et le béton durci appelle des soins attentifs. On se trouve en effet dans une zone à effets de parois multiples (coffrage, surface de reprise, armatures), pour laquelle existe une tendance à un déficit relatif de mortier que toute fuite de laitance ne peut qu’aggraver.
La présence d’une paroi s’oppose lors du
bétonnage, à l’imbrication des plus
gros granulats du béton, au voisinage immédiat d’une paroi, il est donc nécessaire que le
béton comporte une plus grande proportion de mortier qu’en partie courante. Comme les coffrages et
les surfaces de reprise, les armatures génèrent un effet de paroi. Lors de
la formulation du béton, sauf spécification particulière, le laboratoire tient compte d’une incidence courante de l’effet de paroi.
Néanmoins, dans les zones de reprise de bétonnage, il peut y avoir accumulation d’effets de paroi (surface de reprise, ferraillage avec recouvrements d’armatures, parois de coffrage), et une formulation courante peut prendre à être localement déficitaire en mortier.
Dans les cas tels que les tables de compression très minces des planchers « à corps creux », les dalles minces sur prédalles, les potelets et chainages de liaison entre éléments préfabriqués, les effets de paroi sont tellement importants que le béton mis en œuvre en partie courante de la structure peut ne pas convenir du tout. Il est nécessaire de mettre en œuvre dans ces cas un béton formulé en tenant compte de la spécificité de sa destination.
Les pieces massives posent des problèmes relatifs aux effets des retraits (thermiques, endogènes et de dessiccation). Notamment du fait de l’élévation de température qui accompagne la prise du béton. La maitrise de ces phénomènes relève de dispositions qui vont bien au-delà de seules surfaces de reprise de bétonnage.
Lorsque le béton de reprise est mis en œuvre en couche mince, des dispositions particulières doivent être envisagées, en particulier en ce qui concerne l’humidification du béton durci et la cure après le nouveau bétonnage.
La réalisation des ouvrages dans ces conditions demande des précautions spécifiques (voir DTU 21).
Un béton chaud peut résulter de la chaleur d’hydratation s’il est encore jeune et/ou des conditions climatiques de temps chaud. Il convient en particulier de protéger la surface de reprise de l’ensoleillement. L’humidification peut être nécessaire, mais il faut éviter
un arrosage soudain et intense qui créerait un choc thermique dommageable à la qualité du béton de surface.
Dans les cas courants, il n’y a pas lieu de pratiquer une cure spécifique des surfaces de reprise de bétonnage. Toutefois, lorsque les surfaces sont soumises à des conditions ambiantes (température, vent et hygrométrie) susceptibles d’entrainer une dessiccation anormale du béton, des dispositions sont à prendre pour réaliser une cure s’opposant à cette dessiccation.
La cure humide d’un béton conditionne le développement de l’hydratation des gains de ciment, un défaut de cure au jeune âge affecte la résistance mécanique du béton et sa porosité, donc la protection des armatures et la durabilité des ouvrages. Le défaut de cure affecte la « peau » du béton sur quelques centimètres d’épaisseur sous la surface exposée à l’évaporation.
Les conséquences d’un défaut de cure d’une surface de reprise sont directement dépendantes de l’environnement auquel sera ultérieurement exposé l’ouvrage : par exemple les conséquences sont généralement négligeables dans le cas d’une reprise horizontale le long d’un voile intérieur d’un bâtiment d’habitation, tandis qu’elles peuvent compromettre la durabilité d’un mur de soutènement. Le plus souvent, les conséquences d’un défaut de cure restent néanmoins de moindre importance que celle de l’emprisonnement de salissures et bulles d’air le long de la surface de reprise.
La durée de cure est à déterminer en accord avec les critères retenus pour la cure des parements (cf. Fascicule 65A, article 74,6,1), dans des conditions d’évaporation intense, elle est d’au moins 24 heurs.
Dans le cas d’un parement, la cure pratique est appliquée au jeune âge pendant une durée limitée, de quelques heures à quelques jours.
Dans le cas d’une reprise, la période ou le béton reste exposé est limitée à l’intervalle de temps qui sépare la fin de la cure de la surface de reprise du bétonnage de la deuxième partie de l’ouvrage, le deuxième béton rétablissant des conditions de « cure ».
Selon les dimensions et la configuration de la surface de reprise et en fonction de la gêne apportée par les armatures en attente, plusieurs solutions peuvent être envisagées.
- Surface horizontale de reprise à un niveau inférieur à celui de l’arase des coffrages : après prise du béton, soit typiquement 2 heures après bétonnage avec un béton ordinaire, recouvrement de la surface par quelques centimètres d’eau, si l’étanchéité des coffrages n’est pas suffisante pour maintenir cette lame d’eau de recouvrement, on la renouvelle périodiquement (en évitant de procéder à une circulation rapide d’eau susceptible d’éroder le béton).
- Surface horizontale que l’on ne sait pas recouvrir d’une lame d’eau : si la surface est de grandes dimensions et dépourvue d’attentes (ou équipée d’attentes peu émergeantes). Comme dans le cas d’une prédalle, on peut recourir à une couverture imperméable, ou à une toile de jute mouillée périodiquement, dans le cas d’un voile ou d’un poteau, une toile de jute plus ou moins roulée et chiffonnée est déposée sur la surface de reprise et mouillée périodiquement.
- Surface coffrée : maintien de coffrage en place.
Ces techniques peuvent être complétées par la mise en place d’écrans protégeant les surfaces de l’ensoleillement et du vent. Le recours à un produit de cure pulvérisé est conditionné par un nettoyage rigoureux de la surface et des armatures en attente avant bétonnage de la deuxième partie d’ouvrage.
Dans les cas ou la cure a été réalisée avec une lame d’eau et ou de bonnes performances de résistance et/ou d’étanchéité sont nécessaires, il faut s’assurer que la qualité de la couche superficielle du béton n’a pas été affectée par un excès d’eau.
Dans les cas ou le béton a subi une dessiccation anormale en l’absence de cure, susceptible d’avoir des conséquences dommageables, il faut déposer les deux ou trois centimètres de béton superficiel affectés par le défaut. En les déposant à l’aide des moyens cités plus loin, on se ramène à une surface de reprise sur un béton durci sain.
1 Commentaire