Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites

RÉSUMÉ

Ce document reprend un certain nombre d’études réalisées dans le cadre de deux
opérations de recherches du LCPC entre 2000 et 2004 :

le collage en génie civil, et la réparation et le renforcement des structures de génie civil par l’emploi de matériaux composites.
Dans une première partie, sont présentées les recherches sur le collage qui constituent un préalable à l’utilisation de la technique d’assemblage par collage dans le génie civil. Cette partie du document rassemble une synthèse sur les recherches réalisées, une analyse bibliographique qui présente les adhésifs utilisables, leurs conditions d’utilisation ainsi que les tests mécaniques disponibles pour tester les assemblages collés, une approche par modélisation des interactions colle/matériau cimentaire, une étude des interactions entre les composants d’une résine époxyde et les pâtes de ciment par chromatographie en phase gazeuse inverse et spectroscopie ESCA et une étude des caractéristiques résine époxyde/pâte de ciment par microscopie AFM couplée à la micro-analyse thermique. Cette première partie se termine par deux articles qui portent, pour le premier, sur les problèmes de durabilité des assemblages collés avec la mise en place d’un suivi d’un renforcement par tissu collé sur un ouvrage en béton armé et, pour le second, par une étude visant à introduire dans les modélisations mécaniques des aspects
physico-chimiques permettant de prendre en compte l’aspect durabilité.

Dans une seconde partie, sont présentées les recherches entreprises dans le cadre de l’opération sur la réparation et le renforcement des ouvrages par des matériaux composites. En premier lieu, une synthèse sur l’ensemble des recherches conduites au cours de cette opération de recherche est présentée. Les sujets majeurs sont ensuite développés. Il s’agit de la mise au point d’un essai de cisaillement d’interface béton/composite collé et de l’exploitation des premiers résultats obtenus, de l’analyse du comportement à la rupture des matériaux composites en sollicitations multiaxiales, de la tenue à la fatigue de matériaux composites sur béton ou sur poutres en béton fissurées. Cette deuxième partie traite ensuite du frettage d’éléments en béton armé avec une prise en compte du vieillissement, d’essais sur poteaux en béton armé renforcés par composites collés et d’un méthode de dimensionnement pour ce type d’application et se termine par une étude expérimentale et théorique sur le comportement de dalles en béton armé renforcées par des matériaux composites.

BILAN DE L’OPÉRATION DE RECHERCHE « COLLAGE EN GÉNIE CIVIL » CHAUSSADENT Th.
Service Physico-chimie des matériaux, Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Paris

Résumé

Cet article synthétise les principaux résultats scientifiques obtenus dans le cadre de l’opération de recherche « Collage en génie civil » du LCPC. Il recense également lesdocuments et produits issus de cette opération de recherche. Le contenu des travaux et l’ensemble des résultats ne sont pas explicités ici. Pour plus de détails, on se référera aux documents cités et aux autres articles de ce recueil.

Après le rappel des objectifs et de la démarche adoptée, sont décrits les apportsscientifiques de cette opération de recherche qui s’est déroulée entre 2000 et 2004.

1 – Objectifs des recherches

L’opération de recherche « Collage en génie civil » a été lancée en 2000, pour une durée de 4 ans. On notera qu’une autre opération de recherche intitulée « Réparation et renforcement des structures de génie civil par l’emploi de matériaux composites » a été lancée simultanément pour une même durée.

À l’origine du projet de recherche sur le collage, résidait la volonté d’approfondir les connaissances sur la durabilité des assemblages collés utilisés dans le domaine du génie civil ou susceptibles de l’être dans le futur. En effet, grâce aux progrès réalisés ces dernières décennies dans la formulation des produits organiques de synthèse, le collage est aujourd’hui reconnu comme une technique d’assemblage incontournable dans des secteurs d’activité aussi variés que l’aéronautique et le bâtiment, mais aussi comme une opportunité intéressante en génie civil.

Le problème fondamental est de maîtriser la durabilité à long terme de ce type d’assemblage (le siècle est l’unité de comptage souvent requise en génie civil), et de dégager les facteurs qui régissent l’évolution des propriétés physico-chimiques et mécaniques dans le temps. Cette investigation s’appuie en premier lieu sur la connaissance des propriétés particulières aux interfaces entre les divers matériaux.

Pour de nombreux assemblages, cette connaissance a bien souvent été acquise a posteriori. Ces notions, basées sur l’expérience, ont été et sont encore indispensables mais il apparaît de plus en plus nécessaire de définir a priori les
propriétés qui conféreront une durée de vie maximale aux assemblages ; cette nécessité résulte autant de réflexions financières qu’architecturales. En effet, s’il est juste, que dès la conception d’un ouvrage (ou de sa réparation), les coûts liés à l’entretien doivent être pris en compte, on peut supposer que l’évolution de la technique d’assemblage conduira à l’apparition de structures innovantes dépassant le cadre des schémas existants.
Stratégiquement, à un moment où les industriels (producteurs de produits de collage et surtout sociétés de construction) sont convaincus des opportunités que peuvent offrir au génie civil ces nouvelles technologies, le LCPC se devait de jouer un rôle actif dans le domaine du collage. Sur le plan fondamental, il semble important d’améliorer les connaissances concernant l’assemblage par collage de matériaux de même nature ou de natures différentes. D’un point de vue pratique, l’enjeu consiste, d’une part, à identifier les applications du génie civil où le collage peut constituer une technique d’assemblage avantageuse et, d’autre part, à définir les conditions méthodologiques nécessaires à la mise en œuvre de ces assemblages et à l’évaluation de leurs performances, que ce soit en laboratoire ou sur chantier. D’une manière plus générale, il s’agissait à travers cette opération de recherche,
d’accroître et de valoriser les compétences du LCPC dans un domaine amené à se développer au cours des prochaines années.

2 – Organisation des recherches

Dans le cadre de cette opération de recherche, a été considérée comme importante la volonté de mener une action coordonnée entre le Réseau Scientifique et Technique du Ministère de l’Equipement, les Laboratoires Universitaires ou du CNRS et les industriels, afin de parvenir à des résultats qui soient à la fois scientifiquement fondés et, dans la mesure du possible, utilisables par les praticiens.

A cette fin, deux Laboratoires Régionaux des Ponts et Chaussées, plusieurs unités du LCPC et des équipes extérieures (Itodys Paris 7, Rescoll-ENSCP Bordeaux, CUST Clermont Ferrand, LMA Marseille, SAPRR) ont été associés à certaines parties du programme de recherche.

En dehors de l’état des lieux réalisé sur l’utilisation du collage en génie civil (sujet 1 de l’opération), l’approche adoptée, basée sur les aspects physico-chimiques et physico-mécaniques des interfaces (ou des interphases) entre un adhésif et un support (béton ou acier), comporte deux points fondamentaux :

l’analyse et la compréhension des mécanismes physico-chimiques intervenant dans la formation de ces interfaces (ou de ces interphases) (sujet n° 2 de l’opération) et dans leur durabilité en fonction de sollicitations environnementales de natures physico-chimiques (sujet n° 4), l’évaluation des notions précédentes, dans le cadre plus ouvert de l’utilisation d’un assemblage par collage avec des contraintes physico-chimiques mais aussi mécaniques (sujet n° 3).

3 – Apports de l’opération de recherche

Ces recherches, consacrées à l’analyse de la durabilité des assemblages par collage dans le domaine du génie civil, ont permis de franchir une première étape dans la connaissance de la formation du joint de colle au niveau d’un support solide, qui était l’acier ou le béton pour les études menées dans le cadre de cette opération de recherche. Les travaux de recherche réalisés ont apporté des résultats très intéressants, tant au niveau de la compréhension des mécanismes que des outils de caractérisation. Grâce aux collaborations qui ont été mises en place sur la durée de l’opération de recherche, des actions de recherches innovantes ont été conduites pour appréhender certains paramètres jugés fondamentaux, mais aussi des actions plus classiques basées sur un suivi de planches d’essais avec le concours d’utilisateurs de ce type d’assemblage.

La suite de ce chapitre présente quelques résultats scientifiques marquants.

3.1 – Bibliographie et état des lieux sur le collage

Un premier rapport bibliographique a été rédigé en 2000 sur les bases théoriques du collage et sur les mécanismes de l’adhésion [1]. Ce rapport précise les aspects physique et chimique de l’adhésion et les moyens pour accéder expérimentalement aux forces d’adhérence qui gouvernent la résistance à la rupture d’une interface collée. Les aspects mécaniques de l’adhérence (porosité et rugosité de surface) sont également précisés. Enfin, les diverses théories (de la mouillabilité, électrostatique, de la diffusion, de la liaison chimique, des couches interfaciales de faible cohésion et mécanique) sont explicitées. Il ressort de ce rapport la complexité pour réussir un assemblage par collage, réussite qui nécessite, certes de la rigueur, mais aussi la définition de méthodologies s’appuyant sur une approche pluridisciplinaire. Cette synthèse bibliographique a permis de définir les axes de recherche qui ont été développés dans cette opération de recherche (qu’est ce qu’un bon adhésif ?, quelles sont les propriétés de l’interface ? quelles sont les conséquences de l’environnement sur la durabilité de cette interface ?, …).

Le deuxième aspect du collage qui a été traité d’un point de vue bibliographique concerne la durabilité des familles d’adhésifs structuraux utilisés en génie civil [2].

Ce rapport fait le point sur les principaux adhésifs (époxydes, polyimides, acryliques, cyanoacrylates, polyuréthannes,…) en donnant leurs principales propriétés mécaniques, leurs techniques de mise en œuvre et leurs avantages et inconvénients, notamment vis-à-vis de leur vieillissement et de leur dégradation.

Cette synthèse constitue une base pour un élargissement des études du LCPC à d’autres types d’adhésifs que les époxydes qui ont été traités dans cette opération de recherche. Ce choix d’étudier seulement les adhésifs époxydes a été effectué, d’une part, en considérant que cette famille d’adhésifs était la plus couramment utilisée en génie civil et, d’autre part, pour des questions organisationnelles compte tenu qu’il était impossible de tout traiter pendant quatre ans et qu’il était préférable de se focaliser sur l’ensemble des aspects d’une même famille d’adhésifs.
Enfin, un état des lieux sur les applications du collage en génie civil a été réalisé. Un premier document [3] fait le point sur trois activités utilisant le collage (réparation des ouvrages d’art, signalisation horizontale de chaussées et instrumentation). Un second document [4] porte uniquement sur le renforcement des ouvrages d’art.

Pour cette étude, huit ouvrages renforcés par tôles collées ou réparés par collage de béton frais entre 1976 et 1995 ont été sélectionnés. Pour chacun de ces ouvrages, on a cherché à déterminer les raisons qui ont conduit à utiliser la technique de collage, les matériaux employés (tôles, mortiers et adhésifs), la nature des préparations de surface du support béton. Les essais et contrôles réalisés lors des inspections d’ouvrages ont également été répertoriés, ainsi que les principales observations concernant la durabilité des collages. On constate tout d’abord que dans tous les cas une résine époxyde bi-composants a été employée. Les observations dans le temps mettent également en évidence trois facteurs essentiels impactant la durabilité des réparations : la préparation du support béton, la présence d’eau et la fragilité aux chocs. Dans le cadre de l’opération de recherche, nous avons considéré les deux premiers aspects. La tenue aux chocs mériterait toutefois d’être étudiée dans le cadre d’une poursuite des recherches.

3.2 – Analyse des conditions de formulation d’une résine époxyde pour le génie civil

Afin de se familiariser avec les résines susceptibles d’être utilisées en génie civil, une collaboration a été engagée avec RESCOLL-ENSCP Bordeaux en 2001 pour appréhender le rôle de chacun des constituants des résines époxydes sur leur mise en œuvre. Cette première étape [5] a permis de définir une stratégie pour définir un protocole d’étude visant à analyser l’influence de chacun de ces constituants.

Les recherches sur ce sujet dirigées par K. Benzarti au LCPC avec le soutien de stagiaires pour la partie expérimentale [6-9] ont permis :

d’évaluer l’influence d’additifs sur la viscosité et le mouillage des colles époxydes qui sont les paramètres essentiels pour la mise en œuvre. En effet, les propriétés de la résine doivent être adaptées au type d’application envisagée en génie civil : ainsi, l’injection de fissure nécessite l’utilisation de résines fluides ayant une capacité de mouillage élevée du substrat, tandis que les opérations de scellement ou de collage requièrent des résines à consistance visqueuse voire thixotrope. Ces propriétés peuvent être ajustées par l’utilisation de diluants (pour réduire la viscosité et améliorer le mouillage) ou de charges minérales (pour augmenter la viscosité et le caractère thixotrope). Un seuil critique en charge a été mis en évidence, au-delà
duquel la viscosité du mélange augmente de façon très importante. Ce seuil dépendrait d’un facteur de forme des charges défini à la fois par la distribution granulométrique et la forme des particules ; de mieux connaître les processus de polymérisation des résines époxydes à température ambiante. Il apparaît que la réaction de polymérisation n’arrive jamais à son terme lorsqu’elle est réalisée à l’ambiante, et que le système tend vers un état d’équilibre caractérisé par une sous réticulation du réseau polymère. Dans ces conditions, des monomères qui n’ont pas réagi restent piégés au sein du réseau et peuvent être responsables d’évolutions microstructurales ultérieures. La température de transition vitreuse Tg de ces réseaux dépasse rarement 70°C et reste très inférieure à la Tgf du réseau parfaitement réticulé. L’adjonction de diluants ou de plastifiants permet d’abaisser cette Tgf et donc de réduire l’écart entre Tgf et la Tg du réseau polymérisé à l’ambiante. Ceci peut contribuer à figer la microstructure du réseau afin d’éviter les évolutions ultérieures. Des modélisations ont également été mises en œuvre pour décrire les cinétiques de polymérisation des systèmes avec ou sans additifs, à partir des données collectées lors d’essais de calorimétrie différentielle à balayage en modes dynamique et isotherme ; d’évaluer l’influence des additifs sur les propriétés d’usage des adhésifs polymérisés. L’utilisation de diluants réactifs permet ainsi d’ajuster la densité de réticulation et donc les propriétés mécaniques (rigidité, flexibilité) de l’adhésif en fonction des applications envisagées.

3.3 – Formation et propriétés de l’interface adhésif / béton

La durabilité des assemblages collés semble largement conditionnée par les propriétés de l’interface entre la résine et le support. Or, il apparaît que les mécanismes responsables de l’adhésion entre les résines époxydes et les substrats cimentaires, ainsi que la nature des interactions entre ces deux partenaires restent encore largement méconnus. Il est donc apparu indispensable de mener une étude fondamentale visant à mieux comprendre le processus de formation de cette zone interfaciale, et à décrire ses spécificités microstructurales.
Dans ce contexte, une collaboration a été engagée fin 2000 avec le laboratoire « Interfaces, Traitements, Organisation et Dynamique des Systèmes », (ITODYS, UMR 7086) de l’Université Paris 7. Elle visait à étudier les mécanismes d’interaction à l’échelle moléculaire entre les bétons et les résines de collage époxyde, par les techniques de chromatographie en phase gazeuse inverse (IGC) et de spectroscopie ESCA.

Les résultats obtenus sont les suivants :

après optimisation des conditions expérimentales, il a été possible d’évaluer les propriétés acido-basiques des pâtes de ciment. Il est apparu que ces matériaux présentent des propriétés amphotères et peuvent se comporter comme des acides ou des bases de Lewis en fonction de la nature des sondes moléculaires avec lesquelles ils interagissent. L’énergie de surface des pâtes de ciment varie peu avec la composition minérale de ces substrats ; les pâtes de ciment en poudre ont ensuite été enrobées soit par la résine soit par le durcisseur aminé, puis caractérisées par IGC et spectroscopie ESCA. Les analyses ont montré que les pâtes de ciment présentent des interactions physico-chimiques beaucoup plus fortes avec le durcisseur aminé qu’avec le prépolymère époxyde. Ce résultat semble mettre en évidence une adsorption préférentielle du durcisseur à la surface des pâtes de ciment par liaisons hydrogène et protonation.

Ces interactions spécifiques sont susceptibles de modifier localement le processus de polymérisation du système époxyde ;

  • les principaux hydrates élémentaires rentrant dans la composition des pâtes de ciment (portlandite, CSH, ettringite) ont été caractérisés par IGC, ce qui a permis d’évaluer la composante dispersive de l’énergie de surface et les propriétés acido-
  • basiques de ces produits. Les analyses ont montré que la teneur en eau joue un rôle

important sur l’énergie de surface de ces composés ;

  • enfin, une étude est menée actuellement sur des poudres de pâtes de ciment enrobées par des mélanges (résine+durcisseur), afin de vérifier l’existence d’un mécanisme spécifique de polymérisation à l’interface avec le substrat cimentaire.
    Ces résultats ont fait l’objet de quatre publications dans des revues internationales

10-13] et de plusieurs communications [14-16@ Une seconde collaboration a été engagée avec le CUST de Clermont-Ferrand, afin de caractériser la microstructure et les propriétés physico-chimiques de l’interface résine époxyde/pâte de ciment au moyen d’une technique innovante, à savoir la microscopie à force atomique (AFM) couplée à de la micro-analyse thermique. Les différentes phases de la collaboration et les principaux résultats obtenus sont les suivants :

une étude exploratoire a été entreprise au CUST en 2001. Les travaux réalisés ont permis d’optimiser le protocole expérimental et ont montré que la technique utilisée permet de décrire de manière assez fine la structure interfaciale pâte de ciment/résine époxyde >17]. Elle a ainsi confirmé l’existence d’une zone de polymère modifié à proximité de la phase minérale, caractérisée par un gradient de propriétés.

En effet, la température de transition vitreuse décroît à partir de l’interface pour rejoindre progressivement la Tg du polymère massique. L’amplitude du gradient de Tg et l’épaisseur de cette interphase dépendrait de la texture du substrat et des conditions de polymérisation de la résine ;

cette collaboration s’est poursuivie dans le cadre d’une thèse [18] qui vise à évaluer l’évolution de ces propriétés interfaciales au cours d’essais de vieillissements accélérés (de type hygrothermique), et à corréler ces propriétés interfaciales aux propriétés mécaniques macroscopiques de l’assemblage collé.

Les travaux réalisés ont donné lieu à des communications dans des congrès internationaux [19, 20].

3.4 – Durabilité des assemblages par collage – Influence de l’environnement

Cette partie du travail de recherche a été consacrée à l’identification des mécanismes de vieillissement de l’adhésif soumis à un environnement extérieur, et à la mise au point d’essais de vieillissement accélérés représentatifs de ces mécanismes naturels. Une étude expérimentale des phénomènes de vieillissement des adhésifs massiques et des joints adhésifs dans les assemblages collés a été réalisée en analysant notamment les effets du vieillissement physique et du vieillissement en milieu humide. Ce travail a permis de mettre en évidence des différences de comportement entre les adhésifs massiques et les joints de colle, qui peuvent être attribuées à des effets d’interface et à des répartitions de contraintes spécifiques dans le polymère confiné au sein des joints. Des modèles phénoménologiques issus de la littérature ont permis de dégager des lois de comportement visant à prédire l’évolution des propriétés de ces adhésifs au cours du temps. Une grande partie du travail a été réalisé dans le cadre de la thèse de M.- A. Bruneaux [21] (cf 3.5).

3.5 – Modélisation mécanique du collage en prenant en compte les aspects physico-chimiques

Compte tenu de la demande importante de la part des maîtres d’œuvre de disposer d’un outil de modélisation permettant de prévoir la durabilité de ce type d’assemblages collés [22], une étude a été engagée pour développer un modèle mécanique prédictif capable d’intégrer les propriétés physico-chimiques de l’adhésif et leurs évolutions dans le temps [21].

A partir des données bibliographiques sur la modélisation mécanique de la rupture, il est ressorti que les modèles mécaniques de zone cohésive sont particulièrement adaptés pour simuler le processus complexe de fissuration des interfaces dans les assemblages collés. Certains de ces modèles font en effet intervenir des paramètres autres que mécaniques et permettent de prendre en compte de manière élégante les lois d’évolutions physico-chimiques des adhésifs. Le travail réalisé par M.-A. Bruneaux s’appuie en particulier sur le modèle du premier gradient de l’endommagement développé par M. Frémond.

Un outil de modélisation mécanique basé sur la théorie de Frémond a ainsi été mis au point. Il permet de décrire l’état de l’interface dans les assemblages collés à travers une variable d’endommagement. Son originalité réside dans le fait que les équations d’évolution de l’interface font intervenir cinq coefficients caractéristiques du comportement physico-chimique de l’adhésif [23-25]. Ce modèle a été confronté à l’expérience dans une configuration simplifiée de traction homogène, avec un adhésif n’ayant pas subi de vieillissement particulier. Les expérimentations ont mis en évidence des phénomènes de raidissement du joint en début d’essai puis de fluage aux temps longs, qui n’étaient pas prévus par le modèle initial. Les équations d’évolution ont donc été modifiées pour tenir compte de la nature viscoélastique du polymère, ce qui a permis de valider le modèle dans les conditions de chargement et de déchargement des assemblages collés. On a ainsi pu identifier quatre des cinq coefficients du modèle relatifs au comportement de l’adhésif non vieilli. Dans un second temps, une configuration expérimentale non homogène a été proposée afin de valider le modèle pour un problème avec gradient d’endommagement, et ainsi identifier le dernier coefficient théorique.

Des études ultérieures pourront se baser sur ce modèle optimisé pour dégager les lois d’évolution des coefficients théoriques rendant compte des phénomènes de vieillissement des joints adhésifs.

3.6 – Modélisation de la pénétration d’une colle dans un milieu poreux

Une étude a été entreprise par E. Le Bris [26-28] dans le cadre de sa thèse sur la modélisation de la pénétration d’un adhésif à base de solvant dans un matériau cimentaire. L’objectif de cette étude était d’évaluer l’intérêt d’utiliser d’autres types de colles que celles à base époxyde, notamment en ce qui concerne leur potentiel à mieux pénétrer au sein des matériaux cimentaires et à améliorer ainsi la qualité de l’accrochage. Le travail a porté sur les points suivants :

définir les différents phénomènes physiques associés au processus de pénétration, établir le système d’équations différentielles permettant de décrire analytiquement ces phénomènes, définir les caractéristiques nécessaires à la résolution des équations à partir de la bibliographie et d’expériences.

Les recherches ont été entreprises sur des pâtes de ciment durcies gâchées avec un ciment CEM II et un rapport E/C de 0,33. La colle à solvant étudiée est une base polybutadiène avec du tétrahydrofuranne (THF) comme solvant. Le choix de cette colle visait plus à avoir des composés parfaitement identifiés et modélisables qu’à analyser une colle susceptible d’être utilisée en génie civil.

Les études ont montré que les résultats numériques s’écartaient quantitativement des résultats expérimentaux mais que les phénomènes pouvaient être décrits qualitativement et permettaient de rendre compte de l’importance de chaque paramètre. Il a également été observé une pénétration de la colle sur près de 5 mm au lieu d’une dizaine de Pm pour un adhésif de type époxyde, ce qui montre l’importance des colles à solvant pour favoriser la surface d’interaction colle/béton et améliorer ainsi les propriétés mécaniques de l’interface.

Les perspectives dégagées de ce travail portent à la fois sur l’amélioration du modèle numérique (analyse paramétrique plus détaillée, prise en compte de phénomènes comme l’adsorption de la colle, …) et des essais expérimentaux (validation de l’existence de flux en phase gazeuse par des capteurs de pression, quantification de l’amélioration de la tenue mécanique de l’interface, …).

L’objectif final étant une utilisation de ce type de colle à solvant sur le béton, il sera également nécessaire de trouver une colle dont la base et le solvant satisferont à la fois les exigences mécaniques et environnementales.

3.7 – Suivi de planches d’essais

A la suite de contacts engagés par le LRPC d’Autun, la société SAPRR a autorisé le réseau des LPC à mener le suivi d’un ouvrage (PI de l’autoroute A6 à St-Cyr-les- Colons) renforcé par tissu collé. Cette collaboration a conduit à définir des zones d’essais sur cet ouvrage en vue de suivre l’évolution des propriétés physico- chimiques et mécaniques de l’adhésif et du collage. La mise en place de planches d’essais a fait l’objet d’un premier rapport en août 2002 [29] et d’un second en décembre 2002 [30]. Préalablement à l’application des produits (juin-juillet 2002) une caractérisation de la surface de béton du point de vue de la rugosité a été réalisée, après préparation par un décapage à l’abrasif plus ou moins prononcé.

La première étape du suivi en octobre 2002 a consisté, d’une part, à faire des prélèvements de matériaux en vue de leur identification en laboratoire et, d’autre part, à réaliser des essais de traction. Il a été constaté à cette échéance que dans tous les cas les ruptures intervenaient au niveau du béton. Les étapes à venir seront définies à partir des observations visuelles de dégradation (par exemple décollement) et viseront à mieux évaluer l’état de l’adhésion à partir des évolutions de l’adhésif. Par ailleurs, cette étude doit permettre d’avoir une base comparative entre le comportement d’un collage in situ et celui mis en évidence en laboratoire dans le cadre d’essais de vieillissement accélérés.

4 – Bilan et orientations futures

Les travaux de recherche menés dans le cadre de l’opération de recherche « Collage en génie civil » ont permis, d’une part, de mieux cerner les paramètres importants vis-à-vis de la mise en œuvre des adhésifs et, d’autre part, d’évaluer l’influence de ces paramètres sur la durabilité des assemblages. L’utilisation de techniques expérimentales innovantes, comme par exemple la microscopie à force atomique couplée à de la micro-analyse thermique ou la chromatographie en phase gazeuse inverse, et la mise en place de partenariats universitaires et industriels ont permis de définir une stratégie de recherche qui a abouti.

Il est également utile de préciser que ces recherches, souvent très en amont des applications, ont bénéficié des échanges avec les chercheurs impliqués dans l’opération de recherche « Réparation et renforcement des structures de génie civil par l’emploi de matériaux composites » qui s’est déroulée sur la même période sous la direction de J.-L. Clément. L’intérêt de ce partenariat a permis de définir une stratégie pour la poursuite à partir de 2005 d’une collaboration dans le cadre d’une nouvelle opération de recherche qui porte sur la durabilité des renforcements par composites collés.
On notera enfin que les travaux réalisés ont été reconnus et nous ont permis :

  • de faire partie du comité scientifique du congrès international ICPIC 2004 à Berlin ;
  • de participer au GDRE franco-italien Lagrange sur les grands problèmes du génie civil [31-33] avec notamment la thèse de M.-A. Bruneaux [21] sous la double direction de l’ENPC et de l’Université Tor Vergata à Rome ;
  • de bénéficier d’un financement DRAST [34-35] ;
  • d’être invité pour une communication aux JADH 2003 à l’Ile d’Oléron [24].

SOMMAIRE

Sommaire
Résumé – Abstract
Bilan de l’opération de recherche « collage en génie civil »
Données bibliographiques sur le collage en génie civil: familles d’adhésifs, préparations de surface, tests mécaniques de caractérisation de l’adhérence..
Modélisation de la formation d’une interface colle / matériau cimentaire
Approche physico-chimique des interactions adhésif / substrats cimentaires
La micro-analyse thermique : application à l’étude des interfaces pâte de ciment / résine époxyde
Vieillissement des assemblages collés : état de l’art et suivi sur ouvrage
Durabilité des assemblages collés : modélisation mécanique et physico-chimique
Bilan de l’opération de recherche « Réparation et renforcement des structures de génie civil par l’emploi de matériaux composites »
Développement d’un essai de cisaillement d’interface collé
Analyse des résultats de cisaillement : estimation de la longueur de transfert
Analyse du comportement à rupture sous sollicitation bi-axiale de matériaux
composites mis en œuvre pour le renforcement de structures béton armé
Tenue à la fatigue de composite unidirectionnel carbone-époxy et de l’interface composite-béton dans le cas de la réparation de structures en béton armé

Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Comportement en fatigue de poutres courtes fissurées et renforcées par composite
Frettage d’éléments en béton armé soumis à une pression localisée
Développement d’un modèle de frettage avec prise en compte du vieillissement des matériaux
Essais de poteaux en béton armé renforcés par composites collés –
Descriptif de la campagne expérimentale et principaux résultats
Proposition d’une méthode de dimensionnement des poteaux renforcés par composites
Dalles en béton armé renforcées à l’aide de matériaux composites :
étude théorique et expérimentale



Aperçu du document en ligne



Télécharger : Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites


Articles Similaires

Applications innovantes du ciment et des matériaux liés au ciment dans la construction durable

CONCEPT CONSTRUCTIF: PANNEAU SANDWICH

Conception architecturale innovante des bâtiments EHSAL à Bruxelles

Ce site utilise des cookies pour améliorer votre expérience. Nous supposerons que cela vous convient, mais vous pouvez vous désabonner si vous le souhaitez. Lire la suite