La profession présente ses diversifications actuelles, les voies de formation existantes et les développements qui s’annoncent. Ingénieur civil – un métier chargé d’histoire Des réalisations techniques d’envergure apparaissent en Orient dès 4000 ans avant notre ère: urbanisme, génie hydraulique, bâtiment, construction navale et techniques militaires. Même si l’appellation «ingénieur» n’existait pas encore, il s’agit de manifestations précoces éclatantes de l’art du même nom. Pour désigner les techniciens chargés de résoudre des tâches complexes ou les responsables d’importants chantiers, l’Antiquité connaît deux familles de termes. D’une part l’architecte (du grec archi [minerai] et téktòn [maître d’oeuvre]), soit le contremaître en chef. D’autre part, des dérivés des termes mechaniké ou mechané, pour nommer les techniciens qui s’occupent de principes mécaniques ou d’outils. Quant au mot latin ingenium (esprit, intelligence aiguë), il sert dès le Moyen-Âge à désigner l’expert en machines de guerre. L’ingenarius d’autrefois était donc à la fois bâtisseur de fortifications, de châteaux, de canaux ou de moulins et organisateur de manœuvres pour conquérir des ouvrages fortifiés.
Un premier projet d’
académie d’ingénieurs est attesté dès 1580 à la cour madrilène de Philippe II. A Paris, la fondation de l’École d’Artillerie remonte à 1720, l’École des ponts et Chaussées à 1747 et l’École Polytechnique à 1794. Viennent ensuite les écoles polytechniques de Prague (1806), Vienne (1815) et Berlin (1821). En Suisse, l’
École des ingénieurs de l’Université de Lausanne – qui deviendra l’EPFL – s’ouvre en 1853, suivie en 1855 par le Poly de Zurich – l’actuelle EPFZ. Et, le 24 janvier 1837 déjà, 39 maîtres d’œuvre et techniciens suisses alémaniques fondaient ce qui est aujourd’hui la Société suisse des
ingénieurs et des architectes, la SIA.
Vers 1850, les débats autour du réseau ferré
à construire ont occupé l’opinion publique
suisse comme les enjeux climatiques le font
aujourd’hui. De l’ouverture d’une première ligne entre Zurich et Baden en 1848 (la
Spanischbrötli-Bahn), à l’audacieux franchissement du Gothard en 1882, un pays
encore largement rural a été remodelé par
les ouvrages lancés à l’assaut de ses vallées,
fleuves et sommets. L’art des ingénieurs civils
a ainsi projeté la Suisse dans la modernité et
– comme en témoigne «Die Eisenbahn» (le
chemin de fer), titre que portait alors le journal
de la SIA – leur savoir-faire incarnait la pointe
du progrès technique.
La domination des sciences de l’ingénieur
s’est d’abord poursuivie au 20e siècle, jusqu’à
ce que la fascination initiale pour les nouveautés techniques cède le pas à l’admiration portée aux stars de l’architecture moderne. Les
prestations époustouflantes des ingénieurs en
matière de transports, de communications,
d’énergie et de sécurité ont peu à peu été
vues comme allant de soi. Aujourd’hui comme
hier, pourtant, aucun ouvrage n’est envisageable sans leur contribution.
Les ingénieurs civils pratiquent un métier à haut potentiel créatif et les voies qui y conduisent sont multiples. Une fois leurs études achevées, les ingénieurs civils ont le choix entre divers domaines d’activité et un grand nombre de spécialisations complémentaires, qu’ils travaillent dans un bureau d’étude ou une entreprise, dans l’industrie, dans l’administration ou, encore, la recherche.
Les ingénieurs civils travaillent par projets et souvent en équipe. Leur activité s’exerce au sein de bureaux d’étude et sur les chantiers. Les capacités requises pour obtenir le diplôme et pratiquer le métier avec succès englobent l’esprit de synthèse, le goût de la technique, l’attrait pour le travail dans un cadre interdisciplinaire, ainsi qu’une bonne faculté de représentation tridimensionnelle. Les ingénieurs civils sont avant tout des solutionneurs de problèmes complexes, et ils sont nombreux à occuper des postes de direction à hautes responsabilités, où les compétences sociales comptent autant que l’expérience professionnelle.
Différentes voies existent pour entreprendre des études d’ingénieur civil. Le cursus traditionnel implique l’obtention de la maturité fédérale, suivie de l’entrée à l’EPF Lausanne ou Zurich. Une autre option passe par une formation initiale pratique: après l’apprentissage d’un métier correspondant (dessinateur en bâtiment, par exemple) et à condition de remplir les exigences requises, il est possible de s’inscrire dans une Haute école spécialisée.
formation après la filière professionnelle HES en passant à une Haute école universitaire. Les deux voies de formation évoquées préparent largement à l’exercice de la profession. Les Hautes écoles universitaires dispensent une formation académique classique, tandis que les Hautes écoles spécialisées sont par tradition davantage liées à la pratique. L’activité exercée une fois le diplôme obtenu – études et planification, organisation, suivi de chantier – dépend des choix de carrière. Les études d’ingénieur civil sont articulées selon le système international bachelor-master (www.master.epfl.ch). Le diplôme de bachelor est délivré au bout de six semestres d’études, après quoi les candidats peuvent poursuivre leur formation pour l’obtention du master. Équivalant à l’ancien diplôme d’ingénieur, le titre qui couronne aujourd’hui l’obtention du master à l’EPF s’intitule «Master of Science EPFL en génie civil».
Le programme du bachelor dispense de solides connaissances théoriques fondamentales. Cela inclut les savoirs mathématiques et scientifiques de base, l’informatique, la mécanique et la géologie. Les fondements spécifiques aux
métiers d’ingénieurs sont également abordés:
ingénierie des systèmes, économie d’entreprise et méthodes de mesures. Avec l’approfondissement des connaissances en physique, hydraulique, hydrologie, statique et science des matériaux, ainsi que dans les branches bâtiment, géotechnique, transports, aménagements hydrauliques et méthodes de construction, cette étape des études s’achève par un projet de bachelor.
Le programme du master en génie civil est destiné à approfondir diverses options disciplinaires. Géotechnique, infrastructure et environnement, ingénierie structurale, hydraulique et énergie, transport et mobilité ou géomatique figurent par exemple au programme de l’EPFL. Des options libres complémentaires permettent d’élargir encore la formation ou de pousser davantage une spécialité. Les études se terminent par un projet de master.
Une fois le
diplôme de master obtenu, il est possible de préparer un doctorat. Le candidat acquiert des connaissances approfondies dans un domaine spécialisé, tout en développant des contacts précieux avec des chercheurs, des praticiens et d’éventuels employeurs.
Comme dans tous les domaines, de nouvelles connaissances techniques viennent sans cesse réaménager les savoirs acquis. La formation continue est donc indispensable au maintien de la compétence professionnelle.
Les programmes de perfectionnement sont en l’occurrence essentiels – études, cours et séminaires postgrades – sans oublier les connaissances accumulées dans la pratique. Enfin, les expériences de travail à l’étranger, souvent couplées à l’approfondissement de langues étrangères, prennent une importance croissante.