Le pisé est un matériau utilisé en construction depuis des siècles et fait partie de notre patrimoine riche en habitats en terre. Il constitue l’une des quatre techniques d’utilisation de la terre crue les plus utilisées en France, avec la brique de terre (ou adobe), le torchis, la bauge.
La terre, puisqu‘il s’agit du matériau dont est issu le pisé, représente trente pour cent des habitations dans le monde, et l’Isère est elle-même très riche en bâtiments en pisé, notamment dans le Dauphiné.
Ce document apporte quelques pistes de réflexion sur de nombreuses questions qui se posent quand une intervention est prévue sur un bâtiment ancien en pisé : dans le cadre d’une rénovation, d’une réparation ou d’une isolation.
Généralités sur la terre : zoom sur le pisé
Une définition rapide nous permettra de mieux comprendre l’utilité d’une intervention réfléchie sur un bâtiment en pisé.
Au-delà de sa disponibilité quasi universelle (ce qui présente un avantage évident sur le transport), la terre possède de multiples qualités dans le domaine du bâti:
- Régulateur d’humidité : capacité à laisser transiter la vapeur d’eau.
- Durée de vie : patrimoine de bâtiments centenaires très présents en Isère.
- Déphasant : il ralenti le transfert de chaleur (et permet un confort d’été indéniable).
- Élément de forte inertie, c’est-à-dire qu’il a une bonne capacité à stocker la chaleur et à la restituer par rayonnement.
- Isolation phonique et qualité acoustique.
- Reprise aisée, mais nécessitant un savoir-faire.
Le pisé, technique séculaire de mise en œuvre de terre crue, offre des qualités d’habitabilité et d’adaptation exceptionnelles mais nécessite une attention et un suivi régulier. Bien construit et protégé, le bâtiment en pisé traverse les siècles et s’adapte tout naturellement aux divers besoins des hommes.
Traditionnellement, les bâtiments en pisé portent de « bonnes bottes » et un « bon chapeau ».
C’est à dire que le soubassement est traité de manière à éviter les remontées capillaires (le plus souvent en galets, en pierres dures – peu poreuses ou en briques de terre cuites maçonnées) et le débord de toiture est suffisant pour éviter le ruissellement de l’eau sur la façade.
Une des propriétés de ces constructions se retrouve dans la gestion de l’humidité quasi autonome du matériau terre. C’est aussi un aspect qui peut s’avérer problématique quand cette propriété n’est pas respectée dans le cadre d’une rénovation (voir paragraphe « comment rénover un bâtiment en pisé »).
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La technique du pisé
Le pisé est une technique particulière pour monter un mur en terre crue : celle-ci est compactée (à l’aide d’un pisoir) dans des coffrages (appelés banches) de grande largeur qui se superposent pour constituer la hauteur des murs.
Cette technique permet d’utiliser la terre généralement directement issue du site de la construction, et ne nécessite pas de transformation (pas d’utilisation d’énergie pour altérer ses propriétés basiques). Des « lits de chaux » ou « cordons de chaux » font souvent office de liant entre les différentes « banchée » (hauteur de coffrage).
En revanche, cette technique n’est pas applicable avec toutes les terres. En effet, la terre à pisé doit avoir une granulométrie variée : graviers, sables, limons et argiles dans des proportions bien définies, même si selon les lieux d’extraction, la matière se comportera différemment (couleur, tenue aux intempéries,…).
Comment aborder la rénovation ?
Comme sur tout bâtiment ancien, l’intervention d’une opération de rénovation doit se faire en toute connaissance de ses spécificités, de manière à ne pas occasionner de dégâts.
Plusieurs étapes sont nécessaires pour mener à bien une rénovation durable :
- Observer le bâtiment : état des enduits de façade et intérieurs, fissures, humidité, remontées capillaires, salpêtre,…
- Inspecter l’état des édifices voisins pour essayer de repérer d’éventuelles pathologies communes et appréhender le groupement d’habitations dans son ensemble (orientation, organisation architecturale,…).
- Faire le tour du terrain pour essayer d’identifier des possibles sources d’humidité (voir paragraphe « Les défauts hygrométriques »)
- Définir la finalité du bâtiment et la performance souhaitée (harmonisation architecturale, respect du bâti, enjeux environnementaux, coûts de chauffage,…)
- Choisir avec soin les intervenants sur le chantier (architecte, artisans, bureau d’étude,…) : demander des références de chantier sur maison en terre, et éventuellement les visiter. Pour ces étapes, plusieurs structures d’accompagnement objectives peuvent être sollicitées : Espace InfoEnergie, CAUE (Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et d’Environnement), ADIL (Association Départementale d’Information sur le Logement), ANAH (Agence Nationale de l’Habitat),…
Les grandes lignes d’une rénovation réussie
- Le respect du bâti : fort de leur grand âge, ces édifices n’en seront pas moins fragilisés si les interventions ne se font pas en adéquation avec leurs qualités premières. Il n’y a pas de solution universelle à la rénovation, celle-ci doit être adaptée à chaque projet.
- Choisir des matériaux compatibles avec l’existant : le bâtiment ancien vit, évolue et se tasse au gré du temps, des mouvements de terrain et des assauts de l’humidité. Il est primordial d’appliquer des matériaux qui laissent place à une certaine élasticité, tels la terre ou la chaux, afin d’éviter les phénomènes de cloquage des parois (plaques d’enduits qui tombent, entrainant parfois le morcellement du pisé) ou d’aggraver les fissures existantes.
- Bannir les enduits / revêtements imperméables : ni à l’intérieur, ni à l’extérieur. Les pare-vapeur, revêtements plastifiés, papiers peints étanches et autres produits de ce type empêchent les échanges gazeux et les transferts d’humidité, provoquant de la condensation* en certains points précis du mur (ce qui entraine la formation de moisissures, dégradation de l’air intérieur, dégradation de la maçonnerie,…).
- Résoudre les problèmes à la source : l’humidité excessive ne cessera pas en la seule présence d’un déshumidificateur. Il faut trouver d’où vient la source d’ennui (dans le cas d’humidité, cela peutêtre les remontées capillaires, un enduit étanche autour du bâtiment,…) et la dévier hors du champ du bâti (voir paragraphe « Les défauts hygrométriques »)
est généralement due au contact de l’air chaud avec une paroi froide, ou à une faille
d’imperméabilité où se concentre la vapeur d’eau qui finit par condenser (c’est le cas par exemple avec un parevapeur percé).
Les réparations
Les bâtiments en pisé sont souvent fissurés : c’est dû au fait que le matériau terre n’est pas immuable et bouge dans le temps. Le pisé peut présenter des fissures sans forcément être menacé dans sa stabilité mécanique, mais il convient de les diagnostiquer, d’observer l’évolution et intervenir quand nécessaire afin d’assurer la longévité du bâtiment.
Le témoin de fissuration
Il est possible d’effectuer un témoin en plâtre qui permet de suivre l’évolution des fissures. Celui-ci déterminera si la fissure est « morte » (pas d’évolution) ou « vivante » (craquelures, modification de la fissure).
Les fissures ou les détériorations mineures
Elles peuvent se réparer superficiellement. Idéalement, la terre sera utilisée pour reboucher la fissure, sous forme de mortier de terre liquide ou bien avec un coulis de chaux. Il faut éviter le ciment, qui rigidifie la zone et peut aggraver la pathologie (au-delà d’un aspect esthétique discutable).
Voici l’exemple d’une rénovation de façade sur la commune de Nivolas-Vermelle :
Les fissures plus importantes
Les ouvertures peuvent être rebouchées avec des éléments de maçonnerie (pierres, briques de terre) ou la même terre à pisé, en s’étant assurés au préalable de la bonne tenue de l’édifice (faire appel à un professionnel pour un diagnostic). Exemple de réparation d’une fissure due à une infiltration d’eau en toiture :
Pour les interventions lourdes visant la stabilité du bâtiment
Éviter dans la mesure du possible l’utilisation de matériaux rigides (par exemple, utiliser si possible le bois s’il y a nécessité de faire un chainage).
Sous le mur, il y a une zone tassée appelée « bulbe de compression ».
Faire appel à un artisan habitué aux problématiques du bâti ancien (ne pas hésiter à demander des références).
L’isolation
La résistance thermique (résistance au passage de la chaleur) d’un mur en pisé est médiocre comparée à des isolants classiques (50cm de pisé ≈ 4cm de polystyrène).
Paradoxalement, plusieurs autres propriétés contribuent au confort incontestable des maisons en pisé : l’inertie, le déphasage, la régulation hygrométrique. Mais il reste tout de même nécessaire d’apporter une isolation complémentaire en vue de diminuer les charges de chauffage.
La notion de confort et l’isolation
La température perçue par le corps humain est la moyenne de la température de la paroi et celle de l’air. Si la température de surface des murs est froide car non isolée, cela baisse très sensiblement la température perçue, et nous mène à augmenter le chauffage pour conserver une température ambiante agréable.
Ainsi, isoler permet de baisser la température de consigne sans pour autant altérer le confort dans le logement.
Les matériaux isolants utilisables doivent être perméables à la vapeur d’eau, sous risque de provoquer de la condensation à l’intérieur du mur et dégrader la maçonnerie en pisé.
Voici quelques matériaux adaptés au transit de vapeur d’eau :
- Les panneaux de roseaux
- La laine de bois
- La ouate de celulose
- La paille
- Le chanvre (sous forme de laine ou de béton de chaux)
- …
Pour plus d’informations sur les différents types d’isolants, veuillez vous reporter au document « Guide des matériaux isolants (IERA) », téléchargeable sur http://www.ageden38.org/espace-telechargement/
Plusieurs solutions sont possibles pour limiter les problèmes de condensation dus à l’isolation :
- Éviter les espaces vides (non ventilé ou ventilé sur air intérieur) entre le mur et l’isolant. Les isolants en vrac, ou fixés à l’aide d’un mortier en terre sont tout indiqués sur les murs qui ne sont pas parfaitement plans. Il est bien de les associer à un frein-vapeur classique ou hygrovariable, et de soigner sa mise en œuvre.
- Isoler par l’extérieur. Cette solution va modifier l’aspect extérieur du bâtiment. Cependant, il permet d’éviter les ponts thermiques (fuite de chaleur par les jonctions de maçonnerie) et de conserver le mur « au chaud » (isolé de l’extérieur), ce qui minimise les risques de condensation et qui protège aussi les murs de l’effet du gel et les rend plus durable.
- Utiliser une ventilation mécanique contrôlée pour évacuer le surplus d’humidité.
- Éviter les produits imperméables à la vapeur d’eau.
Pour plus d’informations sur l’humidité dans le bâtiment en général et comment y remédier, veuillez vous reporter au document « Humidité» téléchargeable sur http://www.ageden38.org/espace-telechargement/
L’esthétique du bâti en pisé
Les constructions en pisé constituent un patrimoine architectural et technique irremplaçable de notre région. Façonnés au fil des générations, ces bâtiments d’une grande intelligence environnementale méritent toute notre attention. Avant de modifier une ouverture, couler une dalle, drainer, enduire, il est bon de recourir à un professionnel compétent pour aborder ces transformations de manière transversale.
Plus d’informations sur ce lien
Attention:
Il ne faut en aucun cas utiliser l’isolation pour cacher des pathologies dues à l’humidité. Il faut avant tout procéder au traitement de la source d’humidité et effectuer des réparations si nécessaire.
Les enduits craquelés sont fréquents sur un bâtiment en pisé.
Il faut noter qu’un enduit n’est pas obligatoirement nécessaire sur du pisé. La qualité de la terre, la destination du bâtiment ainsi que son exposition aux vents, pluies et autres aléas climatiques va déterminer s’il faut l’enduire ou pas.
Exemple de bâtiment n’ayant pas été enduit depuis sa construction : le pisé n’a pas subi d’altération due à l’érosion.
Constat très répandu : sous l’enduit ciment le pisé n’a pas pu évacuer l’humidité des remontées capillaires. L’enduit gonfle, se morcelle et le surplus d’humidité a délité la surface du mur.
Plusieurs solutions sont possibles pour les finitions extérieures :
- Le badigeon à l’eau : Il est possible de rénover la surface d’un mur en pisé en utilisant de l’eau, comme un stabilisant simple et économique. En passant un badigeon à l’eau sur la surface du mur avec un pinceau brosse, on disperse les plaquettes d’argiles contenues dans la terre par une action mécanique. Ce geste fabrique un mortier de surface qui stabilise le pisé en le rendant plus homogène. Cette solution est adaptable sur un pisé stable et relativement homogène.
- L’enduit à la chaux : la chaux est adaptée au pisé par ses propriétés hygrométriques : elle ne bloque pas le passage de la vapeur d’eau, et permet également au bâtiment un certain mouvement dans le temps. Un enduit à la chaux permet de protéger la façade, et est également utilisé pour ses propriétés antibactériennes.
- L’enduit terre : de la même manière que le pisé brut, selon les conditions d’exposition du mur, un enduit en terre peut s’avérer très efficace pour la protection d’une façade.
Restauration de façade d’un bâtiment communal à Nivolas Vermelle (38)
Les défauts hygrométriques
L’humidité est un des points faibles de ce type de bâtiment. Il faut accorder une grande attention aux origines de l’humidité (remontées capillaires, pente de terrain, impossibilité d’évacuation due à une enduit étanche,…). Ce problème complexe peut avoir différentes solutions, dont quelques principes sont à retenir :
- Éviter ou réduire les sources d’humidité avant tout : niveler les pentes de terrain qui sont dans le sens du bâtiment, éviter les revêtements étanches autour du bâtiment (de type goudrons, terrasse de ciment,…), drainer la périphérie du bâtiment (pas trop proche des soubassements), et quand c’est possible, le sol de l’habitation, vérifier si le débord de toiture est suffisant, …
- Ne pas appliquer de revêtement étanche (sur les murs intérieurs et extérieurs, mais aussi sur les dalles intérieures).
- Penser au système de ventilation.
- Choisir les revêtements de sols extérieurs de manière à éviter les éclaboussures sur les murs si ceux-ci ne sont pas enduits.
Pour plus d’informations sur l’humidité dans le bâtiment en général et comment y remédier, veuillez vous reporter au document « Humidité»
Pour aller plus loin
Des livres
- « Le pisé, Patrimoine, Restauration, Technique d’avenir », Les cahiers de construction traditionnelle
- « Pisé H2O », Jean-Marie Le Tiec et Grégoire Paccoud, Ed CRATerre
- « Bâtir en terre », Romain Anger et Laetitia Fontaine, Ed Belin
- « Traiter de construction en terre », Hubert Guillaud et Hugo Houben, Ed CRATerre
Des conseils
- CAUE de l’Isère (Conseil en Architecture, Urbanisme et Environnement)
- CRATerre (laboratoire de recherche et conservation de techniques de construction en terre, centre de documentation en ligne)
- APLOMB (formation à l’écoconstruction et la restauration du patrimoine)
- Le Gabion (Centre de formation professionnelle en restauration du patrimoine)
- Maisons Paysannes de France
- Auprès des professionnels spécialistes liste artisans ou fournisseurs de matériaux
Une visite à faire
Le Domaine de la terre à Villefontaine (38) : Quartier urbain de 65 logements de l’OPAC38 construit entièrement en terre en 1992.
Des sites internet
- Hygroba – Cahier n°0 : Etude de la réhabitilatation hygrothermique des parois anciennes, généralités.
- Hygroba – Cahier n°1 : Murs en terre crue.
- Le bâti ancien gabion org :
- Réhabiliter le bâti ancien en Dombes
- Les fiches d’amélioration thermique du bâti ancien
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Plus de liens vers des articles et des documents sur le pisé :
- Tout savoir sur le pisé
- Technique et matériaux : Pisé
- QU’EST-CE QUE LE PISÉ (TERRE DAMÉE) ?
- Terre damée (pisé)
- Construire avec la Terre
- La construction en terre damée est une caractéristique très pratique et très populaire des maisons d’aujourd’hui
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