Le béton et la construction durable

L’urgence d’appliquer les principes du développement durable au secteur de la construction n’est aujourd’hui plus à démontrer et pourtant, la notion même de construction durable est encore mouvante et sa définition est parfois trop restrictive. Ce document propose une définition et donne un aperçu de la place qu’y prend le matériau béton. Six « contextes » sont utilisés pour structurer une série de critères d’ordre qualitatifs. L’ordre proposé donne une idée des priorités et sert de base à la réflexion, mais doit être adapté selon le cas : localisation, type de chantier… Il apparaîtra que chacun des acteurs d’une construction doit avoir conscience de l’intercon- nexion des différents critères et adopter une vision globale.

LES CONTExTES

Le Feu / la Terre / l’Air / l’Eau / le Vivant / le Social

LA CONSTRUCTION DURABLE

Comment « contextualiser » son projet ? Démarche systématique et globale à chaque échelle du projet, à chaque phase du processus de conception et du cycle de vie de celui-ci :

Fabriquer les Matériaux

Réunir les informations relatives aux produits et procédés utilisés dans une construction est fondamental, il faut tenir compte de toutes les phases de leur cycle de vie. Le béton est le matériau de construction le plus utilisé au monde. Ses usages sont multiples, mais comment se situe-t-il par rapport aux autres matériaux ?

concevoir le projet

Une construction durable ne peut l’être que si elle est conçue comme telle dès les premiers traits de l’esquisse et jusqu’à la mise en œuvre des détails de construction. C’est donc la phase critique pour aboutir à une construction réellement durable.

réaliser les travaux

La phase de chantier, qu’elle soit pour une rénovation ou une construction neuve, comprend aussi la démolition éventuelle de parties, ainsi que les transformations et les phases d’entretien qui se succèderont au cours de la vie de la construction. C’est généralement une phase courte, mais les nuisances et pollutions qu’elle peut générer ne doivent plus être négligées.

Habiter le lieu

Bien qu’elle soit interrompue à intervalles plus ou moins réguliers par les entretiens et les éventuels travaux d’amélioration, la phase d’utilisation est, en toute logique, la plus longue. Qu’il s’agisse d’infrastructure ou de bâtiments, le comportement des occupants et des utili- sateurs peut avoir des effets importants à long terme.

COmmUNIqUER LA DURABILITÉ

La notion de construction durable touche l’ensemble des acteurs du secteur de la construction. Chacun doit œuvrer à son niveau et cette dernière partie montre l’importance de la sensibili- sation et présente le cadre normatif actuel et son évolution.

LES CONTEXTES

Les trois piliers du développement durable sont : l’environnement, le social et l’économique. Ils prennent ici la forme de six contextes : la Terre, le Feu, l’Air, l’Eau, le Vivant et le Social. Ce choix est évidemment arbitraire, mais permet d’avoir une vision d’ensemble (voir tableau synoptique aux pages suivantes). Il faut garder à l’esprit que les contextes sont interdépendants et que l’ordre dans lequel ils sont présentés ne reflète qu’un ordre de priorité relatif.

Fig. 1 : Ancienne meunerie réaménagée en habitation et bureaux (arch. Bureau voor Architectuur®, photo A.Nullens)
Fig. 2 : Habitation neuve à Nederokkerzeel (Ma Maison Mon Architecte, Edition 2009 :) “…l’habitation est chauffée et refroidie de façon passive au moyen d’une pompe à chaleur, le bruit des avions qui décollent et qui atterrissent est gardé sous contrôle grâce à des détails techniques bien pensés.” (arch. HASA, photo A. Nullens)
ENJEUX DU DEVELOPPEMENT
DURABLE LES CONTEXTES
1. FEU 2. TERRE
ÉNERGIE lUmIèRE ÉTENDUE REssoURcEs
Patrimoine/ressources Les différentes sources d ́énergie : les vecteurs énergétiques
Les sources d’énergies renouvelables (SER)
Notre support Le paysage
Cycle (Formation / assimilation / régénération)
et notions associées
Efficacité énergétique (EE)
Utilisation rationnelle de l’énergie (URE)
Empreinte écologique
Mobilité : transport et accessibilité
Constats Réchauffement global à la surface de la planète
Épuisement des combustibles fossiles
Croissance rapide de la demande en énergie
Augmentation du rayonnement ultraviolet et des émissions électromagnétiques
Pollution en profondeur et appauvrissement des sols
Érosion accélérée des côtes
Pollution des plaines océaniques et côtières
Démultiplication des réseaux de transports routiers
3. AIR 4.EAU 5. VIVANT 6. socIAl
ATmosphèRE AcoUsTIqUE soURcE DE VIE bIoDIVERsITÉ ÉcoNomIE pATRImoINE
Il nous protège On le respire Source et condition de vie Présente dans toute chose La faune et la flore (biocénose) Les hommes et leur bien-être socio-économique
Effet de serre et gaz à effet de serre (GES) Pollutions diverses et eutrophisation Biodiversité des écosystèmes Santé Population Urbanisation Malnutrition
Augmentation rapide du taux de CO2 de l’atmosphère Pollution des océans, rivières, fleuves et nappes Effondrement de la biodiversité Population mondiale

LA CONSTRUCTION DURABLE

Les termes « développement durable » sont parfois utilisés à tort et à travers… S’ils sont encore actuellement massivement perçus comme positifs, combien de temps faudra-t-il avant que cette popularité disqualifie le concept dans sa globalité ? En 1987 déjà, le rapport Brundtland des Nations- Unies, « Our Common future », a présenté un constat de l’état respectif de l’environnement et du développement (social, économique, culturel, politique) au niveau mondial. Celui-ci qualifie le « développement » de « soutenable » lorsqu’il « répond aux besoins du présent sans compro- mettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ».

Qu’on parle d’architecture bioclimatique ou soutenable, d’éco-construction ou de construction durable, l’essentiel est de faire « co-habiter », à chaque échelle du projet et à chaque phase du cycle de vie de l’ouvrage, les choses et les gens dans leurs contextes.

La figure 3 montre qu’un ensemble d’acteurs intervenant directement ou indirectement sur un ouvrage donné peut être associé à chacune des échelles du projet. Les différents acteurs ne sont pas tous concernés en même temps. La figure 4 rappelle les principales phases du cycle de vie d’un ouvrage qui seront détaillées aux prochains chapitres.

Matériau Système

Fabricants/Distributeurs Installateurs Utilisateurs

Bâtiment

Architectes Entreprises Habitants

ville

Citoyens
Instances nationales ou régionales

Territoire

Concitoyens Instances internationales

Fig. 3 : Les échelles du projet et les acteurs correspondants

Fig. 4 : La durée de vie totale d’un ouvrage est caractérisée par différentes étapes successives : la confection des matériaux, la préfabrication en usine ou la réalisation sur chantier, l’utilisation optimisée par des entretiens adéquats, des transformations éventuelles, le recyclage en fin de vie…

NB: Dans le schéma, le terme ‘élément’ indique une subdivision fonctionnelle de l’ouvrage (p.ex. mur extérieur), généralement constituée de plusieurs matériaux (p.ex. parement + isolant + mur porteur + finition intérieure). (source : FEBELCEM)

Pour assurer cette « co-habitation », et donc tendre vers ce qu’on peut appeler la construction durable, il faudra « contextualiser » son projet, tout au long du processus de conception, ainsi qu’à chaque échelle de celui-ci, et prolonger la démarche à chaque phase de son cycle de vie. La figure 5 illustre que pour chacun des 6 contextes, il faudra systématiquement optimiser la manière de :

  • BÉNÉFICIER des apports positifs du contexte;
  • SEPROTÉGER des nuisances du contexte;
  • FAir EBéNéFiCiEr le contexte de ce qui peut lui être positif;
  • ProtéGEr le contexte des nuisances qu’il pourrait subir.

Cette démarche induit à énoncer une série non-exhaustive de points sensibles rencontrés lors de ce processus. Ces points sont repris dans le tableau figurant aux pages suivantes. Certains thèmes seront développés plus loin, d’autres sortent du cadre de la présente publication.

De nombreuses méthodes existent en parallèle et une bonne vision d’ensemble est nécessaire pour que chaque intervenant puisse évaluer le rapport coût-bénéfice de ses initiatives. Ces méthodes seront abordées au dernier chapitre.

Fig. 5 : « Contextualiser » son projet (source : Architecture et Climat)

CONTEXTUALISER LE PROJET

1. FEU 2. TERRE
Fabriquer les mATÉRIAUx comptabiliser l’énergie grise (m.1.1) connaître la composition des matériaux (m.2.1)
Quantifier la consommation en ressources (M.2.2)
Evaluer les filières de recyclage des déchets (m.2.3)
coNcEVoIR le projet minimiser la consommation d’énergie (c.1.1)
choisir le type d’énergie à utiliser (c.1.2)
Garantir le confort thermique et visuel (c.1.3)
limiter la consommation d’espace (c.2.1)
Anticiper les besoins en transport induit par le choix du site (C.2.2)
Qualifier l’espace intérieur et extérieur (C.2.3)
Favoriser l’accessibilité et la mobilité douce (C.2.4)
réaliser les TRAVAUx minimiser la consommation d’énergie (T.1.1)
Vérifier les températures de surface (T.1.2)
maîtriser la production de déchets (T.2.1)
maîtriser la consommation en matériaux et le transport induit (T.2.2)
hAbITER le lieu Minimiser la consommation d’énergie (H.1.1)
Assurer les entretiens et la maintenance du système de chauffage (H.1.2)
Alimenter en combustible (H.1.3)
Maîtriser la production de déchets (H.2.1)
Adopter une mobilité douce (H.2.2)
Assurer les entretiens et la maintenance de la construction (H.2.3)

NB : Seuls les thèmes en gras sont abordés dans la suite de cette publication, dont l’ambition n’est pas de fournir une « check-list » complète. Ainsi, l’attention s’est portée en premier lieu sur les thèmes qui présentent une valeur d’actualité certaine et pertinente par rapport au matériau béton. Les rubriques du chapitre « Habiter le lieu » ne sont pas élaborées car la plupart de celles-ci se situent à un niveau plus général et s’adressent plutôt à l’utilisateur.

3. AIR 4. EAU 5. VIVANT 6. socIAl
quantifier les émissions de gaz à effet de serre (m.3.1)
Quantifier les émissions de gaz acidifiants et d’ozone troposphérique (M.3.2)
Analyser les émissions qui présentent un risque pour la santé (M.3.3)
Analyser les consommations et les rejets d’eau (M.4.1) Réduire l’impact sur le biotope (M.5.1) Favoriser les emplois locaux (M.6.1)
Garantir la transparence et la concertation (M.6.2)
Garantir la sécurité au travail (M.6.3)
Développer de nouveaux matériaux (m.6.4)
Établir une déclaration environnementale (m.6.5)
Éviter les infiltrations d’air non maîtrisées (c.3.1)
Assurer la qualité de l’air intérieur (c.3.2)
Assurer le confort acoustique (c.3.3)
Valoriser l’eau de pluie (c.4.1)
Traiter les eaux usées (c.4.2)
Définir des zones de sols perméables (c.4.3)
Valoriser la biodiversité (C.5.1)
Intégrer des toitures végétales (c.5.2)
Agrementer les espaces grâce au végétal (C.5.3)
S’assurer de l’adéquation dans le temps (c.6.1)
S’assurer de l’adéquation économique et de la sécurité (C.6.2)
S’assurer de l’adéquation sociale et culturelle (C.6.3)
Vérifier l’étanchéité à l’air (T.3.1)
Limiter les nuisances et le dégagement de poussières (T.3.2)
Minimiser la consommation d’eau (T.4.1)
Prétraiter les rejets (T.4.2)
Préserver la faune et la flore existantes (T.5.1) Répondre aux attentes (T.6.1)
Garantir la sécurité sur le chantier (T.6.2)
Informer et sensibiliser (T.6.3)
Assurer les entretiens et la maintenance du réseau de ventilation (H.3.1) Minimiser la consommation d’eau (H.4.1)
Assurer les entretiens et la maintenance du réseau d’eau (H.4.2)
Limiter la production d’humidité dans les locaux (H.4.3)
Préserver la faune et la flore environnantes (H.5.1) Veiller à son bien-être et à celui des autres (H.6.1)
Évaluer le rapport coût/bénéfice de ses initiatives (H.6.2)
Veiller à sa sécurité et à celle des autres (H.6.3)

FABRIQUER LES MATÉRIAUX


Fig. 6 : « Contextualiser » les matériaux (source : Architecture et Climat)

L’énergie grise est l’énergie qui a été consommée pour l’extraction, la production, le transport et le traitement en fin de vie d’une « unité fonctionnelle » ou « unité déclarée » (voir encart aux pages suivantes pour plus d’explications sur ces termes) d’un matériau ou élément de construction. Les différents vecteurs énergétiques devraient en fait être comptabilisés de manière distincte.

De nombreuses sources de données existent pour les matières premières et les produits finis (FR, CH, CAN, UK, NZ…), mais il n’est pas toujours évident d’évaluer leur fiabilité et les comparaisons sont parfois difficiles (autres hypothèses, présentation incompatible des résultats…). Les écarts sont parfois grands. A titre indicatif, les figures 7 et 8 donnent une première vue d’ensemble sur l’énergie grise des principaux matériaux. Elles montrent la grande différence qui peut exister selon que les résultats sont exprimés en volume ou en masse du matériau.

Fig. 8 : Energie grise de différents matériaux en GJ/tonne (source : tucker S., CSiro Construction and Engineering, Highett (AU), 2000)
MATÉRIAU
ÉNÉRGIE GRISE
MJ/kg MJ/m
granulat 0.1 150
botte de paille 0.24 31
sol-ciment 0.42 819
pierre (locale) 0.79 2030
bloc béton 0.94 2350
béton (30 Mpa) 1.3 3180
béton préfa 2 2780
bois de charpente 2.5 1380
brique 2.5 5170
isolation cellulose 3.3 112
plaque de plâtre 6.1 5890
panneau de particules 8 4400
aluminium (recyclé) 8.1 21870
acier (recyclé) 8.9 37210
bardeaux (bitumineux) 9 4930
contreplaqué 10.4 5720
isolation laine deroche 14.6 139
verre 15.9 37550
isolation laine deverre 30.3 970
acier 32 251200
zinc 51 371280
laiton 62 519560
PVC 70 93620
cuivre 70.6 631164
peinture 93.3 117500
linoléum 116 150930
isolation polystyrène 117 3770
tapis (synthétique) 148 84900
aluminium 227 517700

Fig. 7 : Energie grise des matériaux (source : www.canadianarchitect.com/asf/perspectives_sustainibility/ measures_of_sustainablity/measures_of_sustainablity_embodied.htm) NB : Les auteurs font remarquer que les valeurs sont basées sur diverses sources internationales et que les valeurs locales peuvent varier.



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Nom du fichier : Le_Beton_et_la_Construction_durable.pdf
Taille du fichier : 5.68 MB
Nombre de pages : 40 pages
Type du Document : PDF



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