5 Défis pour construire le Plus Haut Gratte-ciel du Monde

Al-Walid ben Talal Al Saoud

Dans cet article, je vous emmène en Arabie Saoudite, au bord de la mer Rouge, pour vous parler de la Jeddah Tower (la tour Jeddah). Cette tour ambitionne de devenir le plus haut bâtiment de toute l’histoire. Construire le gratte-ciel le plus haut du monde est l’immense défi qui a été confié en 2010 au cabinet d’architecture de renommée internationale Adrian Smith et Gordon Gill Architecture, par le prince et homme d’affaires saoudien Al-Walid ben Talal Al Saoud.

Avec une hauteur qui doit dépasser la barre symbolique des 1 km, la tour de Jeddah est sans nul doute l’un des projets architecturaux les plus ambitieux du 21e siècle. Et ce n’est pas pour déplaire à l’équipe d’Adrian Smith, à l’origine de l’actuel record mondial de la grande hauteur, le Burj Khalifa, estimé à 1,2 milliard de dollars.

Adrian Smith et Gordon Gill Architecture

Ce projet devait initialement voir le jour en 2018, mais le chantier est à l’arrêt depuis cette même année à cause d’un conflit entre les développeurs et le gouvernement d’Arabie Saoudite. Cependant, le prince commanditaire du projet, Al Walid ben Talal Al Saoud, a confié dans une interview avec Bloomberg que le chantier de la tour se poursuivra quoi qu’il en soit.

Arabie Saoudite

Réussir l’exploit de construire le plus haut gratte-ciel du monde implique de grands défis techniques. C’est ce que je vous propose de voir tout de suite dans cette vidéo. Le premier défi d’une telle construction est celui de la stabilité. En effet, plus les gratte-ciel sont hauts, plus ils sont soumis aux effets du vent et aux contraintes générées par le poids du bâtiment sur la base de sa structure.

Avec une hauteur équivalente à plus de trois tours Eiffel et un poids de 900 000 tonnes, soit l’équivalent du pont du Golden Gate, il devient nécessaire de prévoir une forme et des fondations qui seront adaptées à l’envergure de l’édifice. L’équipe d’Adrian Smith a donc proposé une tour asymétrique en forme de Y, proche de la silhouette du Burj Khalifa. Cette forme en trépied tient tout fait qu’elle est la meilleure pour atteindre une telle hauteur. À la manière d’une colonne vertébrale, elle permet, tout en limitant la quantité de matériaux à utiliser, de placer au centre de la superstructure un pilier rigide qui pourra garantir une excellente stabilité.

Enfin, pour ancrer solidement la tour sans avoir à creuser trop profondément, il faut que le sol soit constitué de roches stables sur lesquelles pourra s’appuyer la structure du bâtiment. D’autant plus à Jeddah où le sol est en grande partie constitué de calcaire friable, de sable et de gravier, il a donc fallu réaliser des études géologiques très poussées afin de déterminer à quelle profondeur la tour pourrait s’appuyer de manière sûre. Le résultat a été la mise en place de 270 piliers de 1,50 à 1,80 mètres de diamètre, constitués de béton haute performance capable de résister à une forte compression, implantés entre 50 et 110 mètres de profondeur dans le sol. Cette technique de forage complexe est inédite et a mobilisé pas moins de 200 ouvriers, qui se sont relayés 24 heures sur 24, six jours sur sept, pendant six mois. À titre de comparaison, les fondations de l’Empire State Building vont jusqu’à 17 mètres de profondeur et celles du Burj Khalifa jusqu’à 50 mètres, soit deux fois moins profond que celles de la Jeddah Tower.

Le deuxième enjeu pour la Jeddah Tower est celui des matériaux à utiliser pour la rendre à la fois solide et économiquement viable. Le maître d’ouvrage a imposé l’utilisation de matériaux traditionnels, comme du béton classique, plus faciles à poser que le béton haute performance qui nécessite du personnel formé spécialement, même si ces derniers sont plus adaptés à la construction d’un tel édifice. Dans cette optique de rentabilité, les architectes d’Adrian Smith ont choisi une solution d’ingénierie qui a fait ses preuves, celle de construire des murs en béton armé.

Cependant, une autre contrainte de taille apparaît lorsqu’il s’agit d’ériger un tel gratte-ciel : la difficulté d’acheminer du béton à de telles hauteurs. Actuellement, les meilleures pompes du marché fonctionnent à 250 bars de pression et permettent d’acheminer du béton jusqu’à 500 mètres de haut, mais pas au-delà. Si l’on veut aller au-dessus, il devient nécessaire de le transporter dans des godets attachés à des grues, ce qui ralentit et complique considérablement les opérations. C’est pour cette raison que la plupart des gratte-ciel actuels de catégorie mégatonnes, c’est-à-dire ceux dont la hauteur est supérieure à 600 mètres, voient leur partie supérieure réalisée en acier. Dans cette optique, l’équipe d’Adrian Smith a décidé de réaliser, comme pour le Burj Khalifa, la partie supérieure de la Jeddah Tower en acier. Cette partie supérieure ne sera plus habitée et il s’agira simplement d’une gigantesque flash ornementale de 350 mètres, qui accueillera les locaux techniques de la tour. Il en sera de même pour la plus haute terrasse d’observation du monde, située à 630 mètres d’altitude, qui rappelle d’ailleurs un peu celle d’une sortie High Line à New York ou du Burj Al Arab à Dubaï. Au total, pas moins de 500 000 mètres cubes de béton et près de 80 000 tonnes d’acier seront nécessaires à la construction de la Jeddah Tower, ce qui est tout à fait considérable. À titre de comparaison, 80 000 tonnes d’acier, c’est le poids de 10 charpentes métalliques comme celle de la tour Eiffel.

Dans le domaine de la grande hauteur, il y a un paramètre de taille à prendre en compte, celui de l’effort de la structure par rapport aux forces exercées par le vent. Et comme on le sait, ces forces s’amplifient davantage que l’on monte en altitude. Ainsi, un gratte-ciel de 500 mètres doit être 60 fois plus résistant au vent qu’un immeuble de 60 mètres. Il devient donc nécessaire de mettre en place une structure spéciale de contreventement qui permet à la tour d’être le plus stable possible et aussi d’éviter que les occupants ne ressentent trop les oscillations du bâtiment. Les architectes et ingénieurs du projet ont donc cherché à modéliser, à l’aide de simulations informatiques et sur maquette, les forces du vent sur la structure de la Jeddah Tower. Au final, ces simulations ont montré qu’en cas de forts vents, le sommet de la tour pourrait se déplacer jusqu’à 2 mètres par rapport à son axe, et que la plus haute zone occupée pourrait aussi osciller jusqu’à un mètre vingt. Mais selon l’équipe d’Adrian Smith, ces oscillations ponctuelles seraient acceptables pour la structure de la tour et pour le confort de ses occupants.

Pour éviter qu’une tour aussi grande ne devienne un véritable gouffre énergétique, il devient vite indispensable de limiter le recours à la climatisation, surtout dans un pays aussi chaud que l’Arabie saoudite. La tour a donc été conçue dans un souci d’efficacité énergétique, de telle manière à pouvoir se réguler thermiquement en jouant notamment sur les emplois. Pour ce faire, la course du soleil autour du bâtiment a été modélisée afin d’identifier quelles étaient les zones les plus exposées au soleil tout au long de la journée. Cela a permis de comprendre où il était pertinent de créer des zones d’ombre sur les façades de la tour. C’est pourquoi des encoches ont été dessinées sur la façade du bâtiment afin de projeter leurs ombres sur les murs adjacents à différents moments de la journée. Elles contribueront à protéger au mieux la tour du soleil et permettront même de faire office de terrasses pour les futurs occupants. En outre, les murs extérieurs en verre ont été conçus pour être aussi isolants que possible en utilisant des vitres à basse émissivité recouvertes d’un filtre qui bloque efficacement les rayons infrarouges, responsables de la propagation de la chaleur.

Avec un total de 530 appartements, 200 chambres d’hôtel et une terrasse d’observation qui sera la plus haute du monde, la tour de Djeddah sera une véritable ville verticale. Pour desservir au mieux les 530 000 mètres carrés d’espaces disponibles et les 167 étages de la tour, une véritable armée de 57 ascenseurs est prévue. Leur vitesse est prévue pour atteindre 10 mètres par seconde, soit 36 km/h, ce qui est optimal pour éviter tout inconfort lors de la phase d’accélération. À cette vitesse, il suffira de 98 secondes, temps de chargement compris, pour atteindre les derniers étages de la tour, ce qui est déjà très rapide.

Pour installer tous ces ascenseurs, il faudra utiliser des câbles résistants capables de s’étirer sur plus de 600 mètres. Pour y arriver, une nouvelle technologie de câble à base de fibres de carbone a été retenue, car au-delà de 500 mètres de hauteur, il devient impossible d’utiliser des câbles en acier, car ils sont trop lourds. En plus d’être plus solides, les câbles en fibres de carbone ont également une durée de vie deux fois plus longue. Ils permettent également de réduire le poids de la charge totale à soulever, y compris les câbles d’ascenseur. Chaque ascenseur sera capable de transporter 26 personnes, soit une charge de 2 tonnes. Avec un câblage traditionnel en acier, cela reviendrait à soulever 27 tonnes, soit l’équivalent d’un semi-remorque.

En incarnant cette volonté d’inscrire le nouveau record mondial du plus haut gratte-ciel, la Jeddah Tower illustre bien la mission actuelle des architectes et des entrepreneurs d’être toujours plus compétitifs. Pour autant, on peut se demander si ces nouveaux records continueront de se succéder ainsi, ou si nous n’atteindrons pas bientôt une limite dans ce que les hommes sont capables de construire.

Selon certains architectes tels que Jérôme Quiévreux, spécialiste français des immeubles de grande hauteur, la question de construire au-delà de 1500 mètres mérite d’être posée. Selon lui, les chantiers deviendront très vite compliqués, voire irréalisables. Il faudra non seulement trouver des sols ultra solides pour créer les fondations de ces tours gigantesques, mais aussi trouver les ressources financières pour les construire et les entretenir.

Selon lui, le Burj Khalifa est un bon exemple des moyens à mettre en jeu pour construire à une telle hauteur. Ce chantier a coûté plus de 1,5 milliard de dollars, a cumulé 22 millions d’heures de travail et a employé jusqu’à 7500 personnes à l’apogée du chantier. Rien que pour l’éclairage, la climatisation et le fonctionnement des ascenseurs, le Burj Khalifa nécessite une puissance de 36 mégawatts-heure en période de pointe, soit la consommation d’une ville moyenne de 80 000 habitants. Le bâtiment a une capacité maximale de 35 000 occupants et, pour l’anecdote, le nettoyage complet des 120 000 mètres carrés de façade en verre nécessite quatre mois de travail. Autant de chiffres qui donnent littéralement le vertige.

Et nous ne parlons que d’une tour de 828 mètres. Même si l’envie d’inscrire de nouveaux records est encore très prégnante, peu d’entreprises souhaiteront véritablement se lancer dans de telles constructions au regard des moyens financiers qu’il faudra investir. En revanche, une chose est sûre : si la course vers le ciel doit continuer, ce sera très certainement dans les pays du Moyen-Orient ou en Asie du Sud-Est, où la compétition entre ces régions du globe fait rage et devrait encore favoriser l’effervescence de ses mégaprojets pendant quelques décennies au moins.

Mais peut-être que l’avenir se situe un peu sous terre, car l’attrait pour les espaces souterrains émerge de plus en plus, notamment dans les villes où les terrains se font rares et chers, comme à New York. Mais aussi parce que l’air devient irrespirable dans la plupart des grandes mégapoles industrialisées d’Asie, comme Shanghai, Pékin et New Delhi. Le terme de « gratte-terre » commence même à apparaître, et un projet a été proposé dans la ville de Mexico avec une structure de 65 étages enfouie sous le centre historique de la ville. À ce propos, n’hésitez pas à me dire dans les commentaires si cela vous intéresse que je fasse un sujet sur les gratte-ciel souterrains, car cela pourrait vraiment être intéressant.


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