Préambule particulier au pisé
Contexte d’élaboration du Guide de Bonnes Pratiques du Pisé
La technique du pisé est attestée en France dès le XIIème siècle (2)4. Jusqu’au début des années 1950, en campagne, la construction en terre était pratique courante ; en ville, la technique fut abandonnée à partir de la fin du XIXème siècle.
Les constructeurs avaient appris à en maîtriser la technique avec la connaissance de leurs conditions locales (ressources, terres, climats, usages, etc.). Ces savoir-faire se transmettaient essentiellement par l’apprentissage direct sur chantier, de génération en génération ; ils étaient garants de la bonne mise en œuvre et de la durabilité de la construction. Ces « règles de l’art » régissaient seules la manière de bâtir et, pour un lieu donné, constituaient une culture technique commune.
Le passage des sociétés traditionnelles à des sociétés industrielles a modifié les rapports et les échanges. La transmission des savoir-faire a persisté ponctuellement, des entreprises continuent ou ont retrouvé la maîtrise de ce mode constructif, mais les intervenants dans l’acte de bâtir se sont multipliés.
Des documents techniques de références sont devenus indispensables pour les échanges entre tous les intervenants, afin qu’ils aient les éléments pour concevoir les bâtiments, en exécuter la mise en œuvre ou juger de la bonne réalisation et communiquer entre eux.
Le matériau terre étant multiple, de par la diversité des terres et la technique de mise œuvre, édicter des règles uniques valables pour tous ne pouvait être la méthode correcte. Le savoir-faire étant déterminant. Les praticiens de la construction en terre se sont donc réunis pour exposer leurs bonnes pratiques afin qu’elles servent de référence. Et les réunir en un document normatif*5, c’est-à-dire qui « donne des règles, des lignes directrices ou des caractéristiques, pour des activités ou leurs résultats ».
Au niveau technique, les pratiques traditionnelles éprouvées servent de base à l’essentiel des recommandations faites dans ce guide. Elles ont été complétées lors de la réalisation de nombreux projets contemporains qui ont permis d’avancer sur la connaissance technique du comportement du matériau pisé. Le projet d’Analyse et Caractérisation des Systèmes Constructifs Non Industrialisés (ASCNI) en 2004, a permis de capitaliser les données sur ces expériences contemporaines.
Ce Guide de Bonnes Pratiques pour la réalisation et la restauration d’ouvrages* en pisé est donc issu des pratiques actuelles et est le fruit d’un travail de concertation entre les différents professionnels de la construction en pisé.
Il est à noter que, si ce guide n’est pas à proprement parler une norme, ce n’est pas non plus un manuel pédagogique, il s’adresse avant tout aux professionnels du bâtiment qui maîtrisent déjà la culture technique.
Les objectifs de ce guide de bonnes pratiques sont de :
- rendre compte et formaliser les bonnes pratiques faisant consensus et les relier aux dernières recherches scientifiques,
- oeuvrer à la sauvegarde et à la transmission des savoir-faire,
- servir de référence aux échanges entre les différents acteurs du bâtiment,
- servir de base à l’assurabilité des ouvrages en pisé,
- pallier l’absence de référentiel technique et d’un cadre normatif.
Table des matières
Démarche adoptée
Ce Guide a été rédigé selon une démarche performantielle, c’est-à-dire fixant le résultat à atteindre (caractéristiques, performances, etc.), permettant ainsi le contrôle, aussi bien en phase d’études (dimensionnement) qu’en phase de réalisation (contrôles sur chantier). Les moyens à utiliser restent ouverts.
Des résultats à obtenir plutôt que des moyens à prescrire
À cette fin, les éventuelles descriptions de moyens, que ce soit de mise en œuvre ou de conception, ne sont données qu’à titre informatif et en aucun cas à titre prescriptif. Pour cette raison, elles sont mises en annexe ou en encadré, hors du texte normatif.
Contexte environnemental
Dans ce document on entend par » environnement » l’ensemble des évènements permanents et récurrents, à proximité du bâti, pouvant interagir sur la construction en pisé, qu’ils soient d’origine physique, climatique, territoriale, humaine, animale ou végétale.
Le concepteur doit s’appliquer à acquérir une connaissance approfondie de l’environnement de la construction de manière à utiliser pleinement les capacités techniques du matériau et éviter toutes interactions du milieu néfastes sur celui-ci.
Structuration du Guide
Dans l’optique d’une approche performantielle, ce document est découpé en cinq parties :
- une première partie définit le domaine d’application du présent guide,
- puis, sont décrites les principales propriétés du pisé et les moyens de garantir des caractéristiques minimales (règles de l’art),
- ensuite, trois parties détaillent les principales contraintes auxquelles peut être soumis le pisé :
- la cohésion de surface,
- le comportement mécanique
- le comportement à l’eau.
La production proprement dite est traitée succinctement en annexe, ainsi que des préconisations pour les essais pouvant être réalisés sur chantier ou en laboratoire. Un glossaire des principaux termes et définitions termine ce guide. Quelques références bibliographiques y sont ajoutées.
Contributeurs
Ont participé à la rédaction de ce document :
CONTRIBUTRICES et CONTRIBUTEURS du GBP PISÉ
Agnès Abrecht-bal | Architecte, membre de Tera |
---|---|
Julie Avons-Bariot | Architecte |
Pascal Baeteman | Maçon-Charpentier |
Jean Bron | Ingénieur structure – Expert |
Bernard Chassagneux | Architecte, membre de Tera |
Franck Charreton | Maçon, membre de Tera |
Jérémy Cohen | Maçon, membre de Tera |
Antoine Descamps | C harpentier, membre de Tera |
Gabriel Denuzière | Maçon |
Laurent Dandres | C ontrôleur technique |
Véronique Droin | Architecte, membre de Tera |
S amuel Dugelay* | Ingénieur – Maçon rédacteur |
J ean-P hilippe E pinat | Maçon, membre de Tera |
Timur E rsen | Architecte |
Stéphane Forge | Architecte, membre de Tera |
Thomas Formery | Maçon |
Jean-Luc Frenot | Ingénieur Thermicien, membre de Tera |
Jeanne Marie Gentilleau* | Architecte-C hercheur, membre de Tera, rédactrice |
Hervé Grimard | Maçon, membre de Tera |
Alain Klein | Architecte |
Didier Lachize | E nseignant bâtiancien |
Maryelle Mathevot-Buiron | CROA-ARA, membre de Tera |
Hervé Martineau | Maçon, membre de Tera |
Marie Mathiot | Architecte, membre de Tera |
Ali Mesbah | C hercheur |
Nicolas Meunier | Maçon, membre de Tera |
Y ves Monnier | É conomiste de la construction, membre de Tera |
Hervé Nallet | Graphiste, réalisateur des croquis |
Stéphane Pagano | R esponsable formation, membre de Tera |
Hélène Palisson | Architecte, membre de Tera |
Stéphane Peignier | Architecte, membre de Tera |
Laurent P etrone | Maçon |
Laurent P lagnol | C ontrôleur technique |
Martin Pointet | Bureau d’Études |
Vincent R igassi | Architecte, membre de Tera |
Benoît Rougelot | Architecte |
Pascal Scarato | Architecte expert |
Dora Studer | Architecte |
Florian Thouvenin | Maçon |
Thibault Vialleton | Bureau d’Études |
Eric Vincens | C hercheur |
1. Ouvrages en pisé
1.1 Définition du pisé
Le pisé est une technique de mise en œuvre de terre crue définie par trois facteurs indissociables :
- une terre humide, généralement sans éléments végétaux,
- la mise en place de cette terre par couches de hauteur régulière dans un coffrage rigide et stable,
- un compactage dynamique régulier, ou damage, exercé à l’aide d’un outil manuel ou mécanique.
1.2 Approche performantielle
Le présent document vise une approche performantielle du bâti. Il s’applique à décrire :
- les principales contraintes auxquelles peut être soumis l’élément d’ouvrage en pisé et les caractéristiques qui peuvent être attendues dans le cas d’un élément produit dans les règles de l’art,
- les principes constructifs essentiels garantissant la pérennité de l’ouvrage dans le temps ; ceux-ci n’étant cependant donnés qu’à titre indicatif, le savoir-faire des professionnels – de la maîtrise d’œuvre ou de la réalisation – devant permettre de trouver des réponses adaptées à chaque projet et de traiter les problèmes spécifiques,
- les précautions à prendre pour quantifier les contraintes admissibles dans les cas particuliers où il est nécessaire de vérifier les caractéristiques de l’élément : cas des éléments soumis à des contraintes élevées.
1.3 Domaine d’application
Le domaine d’application n’est pas restrictif : tous les bâtiments peuvent être construits en pisé, dans la mesure où il est vérifié que les contraintes appliquées à l’élément d’ouvrage restent dans les résistances couramment retenues ou bien dans les limites déterminées par des personnes ou organismes compétents (laboratoire, bureau d’études, etc.) pour un projet donné (matériaux employés et mise en oeuvre).
On note que le pisé ne se prête pas aux parties enterrées, les soutènements ne peuvent donc être construits en pisé.
On ne traite pas ici des fondations dont les caractéristiques ne diffèrent pas selon le type de matériau de l’ouvrage construit.
Par ailleurs, le présent document n’aborde pas de manière explicite ni spécifique les contraintes sismiques et thermiques.
1.4 Termes et définitions
Un glossaire en fin d’ouvrage définit les principaux termes employés dans le présent document.
2. Connaissance du matériau pisé
2.1 Propriétés du matériau pisé
Le pisé a une bonne résistance à la compression, mais une résistance faible aux efforts de traction (sa résistance à la traction est à peu près 1/10è de sa résistance à la compression). En conséquence, le pisé est sensible :
- au cisaillement et donc aux charges ponctuelles,
- aux tassements différentiels qui génèrent des concentrations de contraintes,
- à l’abrasion et aux frottements généralement dus à l’usage,
- à l’arrachement qui peut être généré par les fixations.
Il conviendra donc de concevoir l’ouvrage de façon à éviter les désordres liés à ces contraintes.
Le pisé a une capacité d’absorption d’eau, mais il faut prendre garde :
- à l’accumulation d’eau,
- aux cycles de gel et de dégel de pisé anormalement humide.
Ces deux cas de figure peuvent entraîner une perte de cohésion du matériau et donc de ses caractéristiques mécaniques.
Propriété | Symbole | Valeurs courantes | Unité | Source bibliographique6 | |
---|---|---|---|---|---|
mini | maxi | ||||
Densité* | d | 1,7 | 2,2 | Sans Unité | 1) |
Masse volumique* | Ρ | 1700 | 2200 | kg.m-3 | 1) |
Retrait linéaire* | 0 | 5 | mm.m-1 | ||
Résistance à la compression* | σc | 0,9 | 1,7 | MPa | 1) |
Module d’élasticité* | E | 500 | 800 | MPa | 5) |
Conductivité thermique* | Λ | 0,46 | 0,81 | W.m-1.K-1 | 1) |
Chaleur spécifique* ou capacité thermique massique | c | 1000 | 1500 | J.kg-1.K-1 | 3) |
Capacité thermique volumique* | Ρc | 500 | 900 | Wh.m-3.K-1 | |
Diffusivité* | D | 0,25 | 0,27 | x10-6m2.s-1 | |
Effusivité* | E | 15 | 27 | Wh0,5m-2.K-1 | |
Résistance à la diffusion de vapeur d’eau* | μ | 4 | 10 | Sans Unité | 3) |
Coefficient d’absorption d’eau* | w | 6 | 13 | kg.m-2.h0,5 | 5) |
Tableau 1 : Valeurs courantes des principales caractéristique du pisé
2.2 Éléments d’évaluation des caractéristiques du pisé
La matière première « terre crue » est d’une diversité infinie et de très nombreux types de terre peuvent être utilisés pour la réalisation d’éléments en pisé : avec ou sans éléments grossiers, très ou peu argileuse, etc. De ce fait, la mise en œuvre est à adapter à chaque nouvelle terre et une connaissance du matériau est nécessaire pour produire des éléments d’ouvrage supportant les contraintes qui lui seront appliquées.
Il convient donc de caractériser non pas la matière première, mais l’élément d’ouvrage produit.
Dans le cadre de la réalisation de bâtiments en pisé, une méthode comportant trois temps, décrits dans les paragraphes 2.2.1, 2.2.2 et 2.2.3, est couramment appliquée pour garantir la résistance minimale des éléments (c’est-à-dire une résistance en accord avec les contraintes limites couramment retenues). Ces trois étapes sont :
- la réalisation d’un muret d’essai (ou de plusieurs) permettant de mettre au point les paramètres de production (teneur en eau, hauteur des lits, mode de compactage, etc.),
- l’analyse de ce(s) muret(s) pour vérifier que les éléments sont produits dans les règles de l’art et auront ainsi les caractéristiques minimales communément admises,
- la mise en place de contrôles en cours de construction permettant de garantir la constance des caractéristiques du matériau pisé sur l’ensemble de l’ouvrage.
2.2.1 Réalisation d’un muret d’essai
Le muret d’essai est réalisé au démarrage du chantier. Les dimensions et la forme, variables, sont à déterminer par les professionnels concernés. Le muret doit être isolé des remontées capillaires du sol et des eaux de rejaillissement et son arase protégée des intempéries.
Pour que ce muret soit représentatif des résultats obtenus pour le bâtiment, il est indispensable de le réaliser dans les mêmes conditions que celles du futur chantier : même moyen de compactage*, même teneur en eau, mêmes conditions météorologiques, notamment.
Il permet, en fonction du type de terre et de l’outil de compactage, de régler :
- la teneur en eau
- la hauteur optimale des lits permettant l’homogénéité de chaque couche compactée.
Selon les cas, plusieurs murets d’essai peuvent s’avérer nécessaires pour déterminer la formulation et les procédures de réalisation qui donneront satisfaction.
2.2.2 Analyse du muret d’essai
La conformité du muret d’essai avec ce qui est considéré comme un pisé réalisé dans les règles de l’art est vérifié par :
- une analyse visuelle : aspect, homogénéité, densité apparente,
- l’application de contraintes de frottement simulant les contraintes réelles auxquelles sera soumis le mur et permettant de vérifier la bonne cohésion de surface.
Cette analyse permet de valider le processus de production et donc de garantir que le matériau pisé aura les caractéristiques communément admises et décrites dans cet ouvrage.
Ce muret peut également servir à :
- contractualiser les aspects de surface : état de surface recherché, texture, couleur, etc.
- anticiper des détails de mise en œuvre, pour les interfaces avec les autres lots par exemple, par la réalisation concrète de ces détails.
S’il y a un besoin spécifique, des essais plus poussés – qualitatifs, voire quantitatifs – peuvent être réalisés (voir annexe 4) :
- sur tout ou partie du(es) muret(s) d’essai : résistance à l’abrasion, à l’arrosage, à l’arrachement d’une fixation, etc.
- sur des échantillons prélevés sur le(s) muret(s) ou sur des éprouvettes spécifiques : résistance à la compression, etc.
2.2.3 Contrôles de production
Au cours de la réalisation du chantier, il convient de veiller à ce que les paramètres déterminés lors de la réalisation du muret d’essai soient respectés.
Les principaux contrôles communément réalisés sont :
- la teneur en eau de la terre, déterminée généralement par une appréciation visuelle et/ou un contrôle au toucher de la terre foisonnée
- la hauteur des couches avant compactage, déterminée généralement par le volume versé dans les banches et la répartition homogène de la matière,
- la qualité du compactage, déterminée généralement par l’aspect, le son et/ou un contrôle au toucher.
Ces contrôles peuvent être complétés par une analyse visuelle des éléments d’ouvrage après décoffrage : aspect de surface et hauteur des lits compactés.
3. Cohésion de surface ou parement
3.1 Spécifications techniques du parement
Les spécifications* techniques des parements, intérieur et extérieur, ont pour objectif de définir les contraintes applicables à la surface de l’ouvrage et d’anticiper ses évolutions possibles.
Les parements ou nus des murs en pisé peuvent être soumis à diverses contraintes :
- érosions d’usage : personnes, animaux, objets, en fonction de la destination du bâtiment et des différents espaces,
- érosion due aux éléments extérieurs : pluie, vent, neige, gel en fonction de l’exposition des différentes parois et de l’environnement.
Ces contraintes peuvent être précisées dans les documents spécifiques de marché (cahier des clauses techniques particulières, CCTP).
Elles se définissent au cas par cas et peuvent être appliquées au muret d’essai afin d’anticiper les évolutions du parement dans le temps.
Si les contraintes sont jugées importantes par rapport à l’usage courant et à la résistance habituelle du pisé, il peut être demandé une définition quantitative de ces contraintes ou des spécifications quantitatives de résistance (à l’abrasion, à l’arrosage, etc.).
Des essais peuvent être alors réalisés pour quantifier la résistance ou la vitesse de dégradation du pisé soumis à ces contraintes. Ces essais sont réalisés par des personnes compétentes, sur le muret d’essai ou d’autres formes d’échantillons préparés dans les mêmes conditions.
3.2 Spécifications d’aspect : couleur, texture, planéité.
Ces spécifications ont pour objectif de définir l’aspect de l’ouvrage en pisé (couleur, texture, planéité, etc.) et de préciser les exigences applicables selon l’ouvrage envisagé.
Ces spécifications peuvent être exhaustives ou génériques, avec la définition de deux classes principales de parement :
Le parement ordinaire
Il est destiné à recevoir une finition rapportée : enduit de parement, bardage, contre-cloison, etc. Il peut aussi concerner un espace d’intérêt secondaire : annexe, garage, autre.
Il faut donc uniquement veiller à avoir une bonne cohésion de surface, sans s’attarder sur l’aspect esthétique.
Le parement soigné
Il est destiné à rester apparent. Donc, à sa cohésion de surface, il faut ajouter un aspect esthétique.
Des qualités de parement différentes peuvent être exigées. Elles sont alors définies dans les documents spécifiques de marché.
L’aspect peut être contractualisé via le muret d’essai.
3.3 Homogénéité du parement
Le parement peut-être :
- homogène
- hétérogène en matériaux : végétaux (bois, etc.), minéraux (chaux, galets, briques cuites, etc.), autres.
- hétérogène en modénature* : en saillies, sculptures dans la masse, etc. (voir 5.2.3)
Outre l’aspect esthétique de ces choix, l’hétérogénéité, qu’elle soit de matériau ou de modénature, a une influence sur la résistance de surface dans la mesure où :
- les différents matériaux ne s’érodent pas à la même vitesse ni de la même manière suivant les contraintes appliquées,
- les accidents de surface peuvent générer des érosions plus importantes qu’un parement lisse.
Dans l’appréciation des caractéristiques, l’hétérogénéité de parement, intérieur ou/et extérieur, doit donc être prise en compte et définie dans le document de marché.
3.4 Fixations
Des éléments connexes peuvent être fixés dans le pisé par vissage direct dans la mesure où :
- les charges sont faibles et ne génèrent pas de sollicitations dynamiques (tableaux, lampes, petits éléments de cuisine, tableau électrique, réseaux, etc.)
- et le matériau pisé a une cohésion suffisante.
Afin de garantir la bonne tenue de la fixation, un essai peut être réalisé sur le muret, en appliquant un coefficient de sécurité (fixation sur le muret d’éléments 1,5 fois plus lourds que ceux prévus).
Pour la fixation d’éléments plus lourds, il est recommandé de transformer les contraintes d’arrachement en contraintes de compression ou de solliciter un volume de mur plus conséquent.
Exemples7 d’éléments plus lourds :
- éléments structurels : muralière, corbeau, etc. (Voir 4.1.2)
- mobilier : vaisselier, chauffe-eau, etc.
Exemples de solutions :
- appuyer ou suspendre les éléments à des ouvrages horizontaux attenants (planchers, solivage, charpente, etc.)
- solliciter un volume plus conséquent de pisé en fixant les éléments à d’autres matériaux incrustés dans le pisé (briques cuites, pierres, etc.)
- solliciter l’ensemble du mur par la mise en place de tiges filetées traversantes maintenues par des éléments répartissant les efforts (plaques en forme de « S », de « X », etc.)
4. Comportement mécanique
4.1 Résistance aux charges verticales
Sont concernées par cet article, aussi bien les charges ponctuelles que les charges réparties supportées par le mur depuis son sommet jusqu’à sa base.
4.1.1 Résistance à la compression
L’une des caractéristiques d’un ouvrage en pisé est sa résistance à la compression, et ce dans toutes les directions. C’est-à-dire sa faculté à résister sans déformation à la pression de charges tant verticales qu’horizontales.
Cette résistance est obtenue grâce au compactage dynamique et régulier de la terre à l’état humide dans le coffrage.
Deux résistances à la compression sont à prendre en compte :
- la résistance à la compression « initiale » au décoffrage, c’est-à-dire à la teneur en eau de fabrication. C’est celle-ci qui est prise en compte dans ce guide.
- la résistance à la compression « à terme », c’est-à-dire à la teneur en eau du mur ayant séché à l’air libre.
On admet couramment que la résistance à la compression d’un matériau est égale à la contrainte maximum qu’il est capable de supporter au moment de sa rupture par compression (contrainte de rupture à la compression). La résistance à la compression du pisé est très variable selon sa constitution. Elle varie couramment de 0,9 à 1,7 MPa, soit 9 à 17 kg/cm2.
Cette résistance, quoique faible en comparaison de celle du béton, est largement suffisante pour supporter le poids propre d’un bâtiment simple de configuration traditionnelle jusqu’à deux niveaux en rajoutant ses charges d’exploitation et climatiques (neige) (voir exemple n°1 ci- dessous).
Cependant sur chantier, en l’absence de mesure de la résistance à la compression « initiale », juste après décoffrage, par essais préalables du pisé mis en œuvre, nous considérons qu’un pisé réalisé dans les règles de l’art admet une contrainte de compression répartie inférieure ou égale à 0,2MPa sous charges non pondérées. Cette valeur, minorée, permet de mener le chantier en toute sécurité.
Cette contrainte maximum de 0,2MPa est plus faible que la résistance réelle des éléments en pisé, car elle prend en compte : la moindre résistance du pisé avant séchage complet, la grande variabilité du temps de séchage et les contraintes du chantier qui conduisent généralement à mettre en charge les murs avant qu’ils aient fini leur séchage complet.
En cas de doute sur la résistance de la paroi de pisé (terre très peu argileuse, mauvaise compacité, etc.) ou dans le cas de sollicitations plus importantes, une mesure de la résistance à la compression est nécessaire.
Dans le cas d’une mesure de la résistance d’un élément d’ouvrage (voir Annexe A4.4), la contrainte maximale admissible est égale au 1/3 de la résistance à la rupture en compression afin de prendre en compte les facteurs de variabilité décrits ci-avant et surtout le temps de séchage.
Il est important de noter que, la teneur en eau du pisé ayant une grande influence sur sa résistance à la compression, les essais de résistance à la rupture doivent être réalisés à la teneur en eau maximale qu’aura l’élément d’ouvrage lors de sa mise en charge.
La contrainte maximale localisée à un point singulier -contrainte localisée- ne doit pas dépasser cette valeur de 0,2 MPa (ou 1/3 de la résistance à la rupture). Des éléments de répartition suffisamment rigides doivent être mis en place si nécessaire.
Chaque ouvrage en pisé doit être dimensionné pour résister à l’ensemble des charges permanentes et d’exploitation qui lui sont appliquées.
Une vérification des descentes de charge est à faire ; elle peut être effectuée par l’entreprise.
Dans des configurations moins classiques (nombreuses ouvertures, murs de faible épaisseur, grosses charges d’exploitation, hauteur plus importante, bâtiment de grande taille, etc.), un calcul de descente de charges doit être réalisé par des personnes ou des organismes habilités et assurés pour le faire (laboratoires, professionnels de la construction, maîtres d’œuvre, entreprises) et qui s’engagent comme tels.
Soit un bâtiment en R+1, c’est-à-dire 6 m de hauteur et de 12 x 6 m d’emprise au sol (périmètre = 36 m, surface = 72 m2) avec des murs de 50 cm d’épaisseur et 30 % d’ouvertures à partir de 1 m du sol. Charge du poids propre de la terre : 1m3 de pisé = 2 tonnes, soit 2000 kg.
Pour un mur de 6 m de hauteur et 0,5 m d’épaisseur, le poids propre du pisé est donc de 6000 kg par mètre linéaire.
Charge de la toiture et du plancher bois (poids propre + charges d’exploitation et climatiques) : Si les planchers et la charpente sont repris uniquement par les murs gouttereaux* (2x12m), en comptant 150 kg/m2 pour le toit et 250 kg/m2 pour le plancher, on obtient 400 kg/m2, soit 72×400 = 28 800 kg. c’est-à- dire 28 800 / 24 = 1 200 kg/ml.
Un mètre linéaire de mur de 50 cm d’épaisseur a une surface portante de 5000 cm2 ; s’il y a 30 % d’ouvertures, 1 ml de mur a une surface portante de 3 500 cm2.
Ce mètre linéaire de mur supportant 6 000 + 1 200, soit 7 200 kg/ml, la contrainte résultante est de 7 200 / 3 500, soit 2,06 kg / cm2, ou 0,2 MPa.
4.1.2 Appui d’éléments annexes
Les éléments structurels couramment en appui sur une structure pisé sont par exemple :
- linteaux,
- poutres, planchers, corbeaux, muralières*,
- charpente,
- rehaussement par une autre technique constructive, etc. .
Tout élément structurel ne doit appliquer au pisé que des efforts de compression.
L’application de charges importantes sur des surfaces sous-dimensionnées génère des concentrations de contraintes qui peuvent provoquer des fissurations. Afin d’éviter ce risque, les charges importantes sont appliquées sur les éléments en pisé par l’intermédiaire de pièces de répartition. Aucune charge ponctuelle ne doit exercer un effort supérieur à 0,2 MPa (ou 1/3 de la contrainte à la rupture en compression). La pièce d’appui est à dimensionner en conséquence.
Si les contraintes sont supérieures à la valeur limite de 0,2 MPa (charges très importantes, petits éléments de répartition), il convient de déterminer les résistances admissibles en compression et de dimensionner les répartitions de charge en conséquence. Les calculs justificatifs et les mesures de résistance doivent alors être réalisés par des personnes ou des structures habilitées et assurées pour le faire (laboratoires, professionnels de la construction, maîtres d’œuvre, entreprises) et qui s’engagent comme telles.
Il est à noter qu’il faut préférer des charges axiales. En effet, un excentrement de la charge peut entraîner des contraintes de traction qu’il convient de prendre en compte (voir paragraphe 4.2).
Croquis n°2a et 2b : principe de répartition des charges
Sans système de répartition, 15000 kg appliqués sur une surface de 30 cm x 30 cm = 900 cm2 sont une charge de 15000 / 900 = 16,7kg/cm2.
Avec un système de répartition, ici une panne sablière, le même poids de 15000 kg est réparti sur une surface de 400 x 30 = 12000 cm2, c’est-à-dire une charge de 15000 / 12000 = 1,25kg/cm2.
Remarque sur les porte-à-faux*
Les efforts induits par les éléments en porte-à-faux sont à calculer de manière à n’avoir aucun effort exercé sur le pisé autre que la compression. Ils peuvent être repris si nécessaire par des éléments de structure autres que le pisé (plancher, console, etc.).
4.1.3 Mouvements du pisé : retraits, tassements différentiels
Lors de son séchage, le pisé se rétracte sur lui-même dans ses trois dimensions, ce qui peut provoquer un tassement de l’ordre de 0 à 5 millimètres par mètre sur sa hauteur, selon sa granulométrie et la nature des argiles.
Au fil des saisons le pisé peut également subir des dilatations et des retraits dans ses trois dimensions. Toute incorporation ou juxtaposition d’éléments horizontaux ou verticaux sur l’ensemble de la structure doit prendre en compte ces tassements et variations dimensionnels.
4.1.3.1 Association entre éléments d’ouvrages différents
Deux éléments d’ouvrage contigus sont susceptibles d’avoir des mouvements verticaux différents.
Ces éléments d’ouvrage peuvent être :
- composés de matériaux différents (pierre, bois, autre technique de terre crue, terre cuite, béton, autres.),
- chargés différemment,
- réalisés à des moments différents,
- plus ou moins pleins (présence d’ouvertures).
Ces éléments d’ouvrages doivent être structurellement désolidarisés les uns des autres, afin de faciliter leurs mouvements propres sans entraîner de désordres.
Cependant, si une étanchéité – thermique, phonique ou autre – est nécessaire entre les éléments, elle doit garantir les mouvements différentiels sans provoquer de pathologie.
Le joint peut être traité de plusieurs manières, selon les cas :
- joint de dilatation, sans liaison, prenant simplement en compte les dilatations différentes des matériaux,
- avec une liaison linéaire assurant le maintien latéral et rectiligne, mais permettant le mouvement vertical des murs (croquis n°3),
- par une liaison horizontale autorisant les mouvements verticaux.
Les autres liaisons entre éléments d’ouvrage différents, harpage par exemple, sont susceptibles d’entraîner une fissuration.
4.1.3.2 Surfaces d’appui pour le pisé
Le tassement différentiel dans le matériau peut aussi être provoqué par le ou les ressauts d’un soubassement « en escalier ». Ceci risque d’occasionner, à terme, des fissurations du pisé.
4.1.3.3 Cas particulier des ouvertures
Les ouvertures, surtout si elles sont importantes en nombre et/ou taille, entraînent le même phénomène de tassement différentiel qui peut être traité de la même manière (voir 4.3).
4.2 Stabilité mécanique
La stabilité mécanique d’un bâtiment est assurée par la constitution de sa structure et par les liaisons entre ses différents composants. Cette stabilité peut être compromise par des poussées latérales (vent, séisme, etc.).
La stabilité mécanique d’un ouvrage en pisé est fonction :
- de la forme du mur (enveloppe fermée, murs autostables en L, T, U, H, murs courbes, etc.),
- de l’élancement*, c’est-à-dire du rapport entre la hauteur de l’ouvrage et son emprise au sol,
- des charges appliquées,
- des éléments connexes (planchers, toitures, etc.).
La stabilité de l’ouvrage doit être assurée à tout moment, depuis la phase de construction jusque pendant la phase de déconstruction. Il est à noter que le concepteur doit avoir conscience qu’un mur en pisé frais est beaucoup moins résistant aux charges verticales qu’un mur sec, ce qui doit être pris en compte dans la planification du chantier.
4.2.1 Efforts latéraux à prendre en compte pour la stabilité d’un ouvrage
Dans le cas d’un usage courant, les efforts latéraux à prendre en compte sont :
- un vent inférieur à 100 km/h,
- les surcharges d’exploitation : personnes, animaux et objets en appui latéral sur les murs,
- un faux aplomb inférieur à 5 % de l’épaisseur du mur (indépendamment du fruit* éventuel).
Ces efforts horizontaux courants sont considérés comme étant applicables au mur sauf indication contraire.
Des efforts horizontaux particuliers peuvent provenir des éléments extérieurs suivants, exerçant des efforts horizontaux qui s’ajoutent aux efforts courants (vent, usage, etc.) :
- poussées des arcs et des voûtes, etc.,
- poussées de certains toitures : charpente sur blochets*, etc.,
- un vent supérieur à 100 km/h,
- des sollicitations sismiques.
Les dimensionnements décrits ci-dessous (4.2.2) ne prennent pas en compte ces efforts particuliers. Il faut, pour ceux-ci, justifier la stabilité de l’ouvrage par une étude spécifique.
4.2.2 Autostabilité
En l’absence de charges latérales particulières, seules les charges latérales courantes ou assimilées sont à prendre en compte. Pour chaque mur, on veille à ce que la résultante des efforts supportés reste dans le tiers central de l’épaisseur du mur, afin de s’assurer qu’il reste toujours en compression, quel que soit le niveau considéré.
Pour vérifier la stabilité d’un mur, sans avoir recours à une étude approfondie des descentes de charges par le calcul ou la statique graphique, il est possible d’avoir recours à la notion d’élancement.
Cette méthode de dimensionnement n’est applicable qu’aux murs :
- comportant moins d’1/3 de la surface en ouvertures,
- d’une épaisseur minimale de 30 cm.
Dans le cas de murs plus minces, les charges courantes exercent des pressions trop importantes, un calcul de dimensionnement est alors nécessaire.
Dans le cadre de ce guide, la notion d’élancement (λ, lambda) est définie comme étant le rapport entre la hauteur (h) et l’épaisseur du mur (e) selon la formule λ = h/e.
Cet élancement peut être calculé en tout point du mur. La hauteur prise en compte est celle entre le point considéré et le haut du mur.
Cet élancement doit rester inférieur ou égal à 5 (soit 3,00 m de hauteur pour un mur de 60 cm d’épaisseur), une fois que le bâtiment est en usage.
Il est possible de renforcer la stabilité d’un mur par son emprise au sol ou par l’adjonction d’éléments connexes. Dans ce cas, nous pouvons calculer un élancement effectif (λeff) qui est utilisé pour vérifier la stabilité (voir chapitres suivants).
Dans le cas d’un élancement supérieur à 5 pendant la phase chantier, il est important de prendre des dispositions provisoires permettant d’assurer sa stabilité :
- par un étaiement ou un haubanage permettant d’augmenter la stabilité du mur,
- en prenant un soin particulier pour la protection à l’eau, notamment des têtes et pieds de murs,
- en évitant les charges latérales particulières (choc malencontreux, etc.) par une limitation de l’accès à proximité du mur.
4.2.3 Augmentation de la stabilité par l’emprise au sol
4.2.3.1 Principe
Un principe structurel de base duquel les autres découlent est la mise en œuvre simultanée de deux éléments de mur adjacents dans des plans différents, en soignant la liaison aux angles, ce qui augmente la base de sustentation* et améliore ainsi la stabilité statique.
Deux systèmes constructifs découlent de ce principe et sont communément utilisés dans la construction en pisé afin de garantir la stabilité des ouvrages :
1 – L’enveloppe fermée :
Un espace fermé, ceint de murs en continu, avec des percées ponctuelles.
On trouve fréquemment ce principe dans les constructions traditionnelles anciennes.
2 – des murs auto-stables :
Il s’agit d’un ensemble de murs indépendants et autostables qui peuvent être liés entre eux par des éléments verticaux (menuiseries, murs en ossature bois, etc.) ou horizontaux (toiture, planchers, etc.). L’enveloppe n’est pas fermée par les seuls murs en terre.
Ce principe de murs auto-stables ou assurant leur propre stabilité qui peut être constaté dans les constructions traditionnelles anciennes (adjonction de bâtiments), est fréquemment appliqué dans les projets d’architecture contemporaine.
4.2.3.2 Dimensionnement
Plusieurs facteurs de forme permettent d’augmenter la stabilité d’un élément d’ouvrage :
- présence de murs dans un plan différent du mur étudié (murs de refend, mur gouttereau pour un pignon, formes autostables, etc.),
- présence de contreforts,
- courbure du mur.
Afin de quantifier l’effet de ces renforts de stabilité, un élancement effectif peut être calculé λeff .= heff / eeff.
Celui-ci doit bien évidement rester inférieur à 5 pendant toute la durée de vie du mur.
Pour déterminer l’élancement effectif λeff il faut multiplier l’épaisseur réelle « e » par un coefficient k (eeff = ke) dépendant de :
- l’épaisseur du mur notée « e »,
- l’espacement entre les murs perpendiculaires ou les contreforts, noté « D » (dans le cas d’un mur en L, c’est à dire libre d’un côté, D est le double de la longueur libre),
- la longueur des contreforts, notée « p », ou la longueur de mur plein.
Tableau 2 :
Valeurs de k | e<p<2e | p > 2e |
---|---|---|
D < 6e | 1,4 | 2 |
6e <D<10e | 1,2 | 1,4 |
Le tableau suivant donne les valeurs de k et permet ainsi de calculer l’élancement effectif.
Exemple 3 (voir croquis n° 7c ci-dessus) :
Soit un mur d’épaisseur e = 50 cm, de 3,5 m de longueur libre (entre refend et pignon) : D ≤ 10e
Si les ouvertures sont distantes de plus de 1m des angles (p ≥ 2e), alors k = 1,4 (λeff =h/eeff= h/ke≤5.Parconséquent,h≤5ek=5×0,5×1,4=3,5).
La hauteur maximale des murs est donc de 3,50 m au lieu de 2,50m.
Courbure
Par extension, la courbure des murs produit les mêmes effets sur la stabilité que les murs de refend et les contreforts. Le dimensionnement en est cependant plus délicat. Nous pouvons cependant considérer que dans le cas d’un bâtiment circulaire, nous pouvons appliquer les mêmes règles de dimensionnement avec D = 2R où R est le rayon de courbure.
Dans le cas du murs courbes seuls, une approximation est possible en faisant les calculs sur un mur avec contrefort délimitant la même surface.
4.2.3.3 Liaisons d’angle
Pour que ces augmentations de stabilité annoncées au paragraphe précédent (4.2.3.2) soient efficientes, il faut assurer une bonne liaison de chaque mur avec les murs adjacents et les contreforts pris en compte.
Cette liaison peut être renforcée par l’insertion de matériaux travaillant à la traction (renforts d’angle ou agrafes), soit à l’intérieur du mur si ceux-ci sont mis en place lors de la construction, soit par l’extérieur dans le cadre d’une restauration.
Les agrafes visent à associer mécaniquement les murs ou parties de murs entre elles ou à quelques éléments d’ouvrage. La liaison est d’autant plus efficace que l’espacement entre les agrafes est faible.
Pour la mise en place d’une agrafe, les mouvements différentiels, notamment verticaux, des éléments d’ouvrage doivent être anticipés afin d’éviter des désordres.
Une agrafe n’est valable que pour un angle ou un mur de refend. Elle vise à reprendre les efforts de traction par un autre matériau que le pisé qui, lui, ne travaille qu’à la compression et ce, dans toutes les directions y compris horizontalement.
4.2.4 Augmentation de la stabilité par des éléments connexes
4.2.4.1 Diaphragmes
Un diaphragme* est une structure horizontale qui relie l’ensemble des parois verticales d’une construction, et qui est suffisamment rigide dans son plan pour pouvoir être considérée comme indéformable.
Il permet ainsi à chaque niveau où il est présent :
- de conserver la géométrie de l’ouvrage en plan, et notamment les murs et les angles entre murs,
- de redistribuer les efforts horizontaux (vent, séisme, etc.) entre les différents murs de l’ouvrage (plans de contreventement verticaux)
Correctement liaisonné aux murs, un diaphragme contribue ainsi à améliorer la résistance d’ensemble d’un bâtiment.
La liaison entre le diaphragme et les murs est souvent réalisée par le frottement des pièces d’appui sur le pisé dans la mesure où elles sont suffisamment chargées (poids de la toiture ou du mur au-dessus d’une sablière).
Si le diaphragme est constitué par un plancher intermédiaire, des dispositions constructives adéquates doivent permettre le transfert des efforts entre les solives de rives et l’ensemble des murs.
Dans tous les cas, et afin de garantir un bon appui sur l’ensemble des murs, les diaphragmes doivent pouvoir accompagner les éventuels mouvements verticaux (tassements en sous-œuvre, léger affaissement d’une partie de mur, mouvements différentiels dus aux variations d’humidité et de température, etc.) et ainsi répartir la transmission des efforts.
Les planchers et charpentes peuvent, s’ils sont conçus comme tels, former un diaphragme (nécessité, pour les charpentes, d’éléments contreventants dans un plan aussi proche que possible de l’horizontale).
Les diaphragmes peuvent être réalisés facilement en bois.
Des diaphragmes en béton armé ou en métal nécessitent des précautions, car le béton varie dimensionnellement suivant les différences de température, alors que le pisé varie suivant les différences d’hygrométrie. Un diaphragme en béton peut être envisagé si ses dilatations ne se transmettent pas au pisé, mais également à condition qu’il ne bloque pas les éventuelles dilatations du pisé.
La tenue au feu du diaphragme doit être compatible avec les exigences générales de l’ouvrage construit.
4.2.4.2 Influence des diaphragmes sur l’élancement
La présence d’un diaphragme en partie sommitale d’un mur, dans la mesure où il est correctement dimensionné et liaisonné au mur, permet de diviser par 2 la hauteur effective (heff, hauteur prise en compte pour le calcul de l’élancement effectif, qui doit rester inférieur à 5)
Exemple 4 :
Si on reprend l’exemple précédent n°3 du petit bâtiment avec des murs d’épaisseur e = 50cm :
Si celui-ci est couvert par une toiture lourde (traditionnelle) correctement contreventée, les murs peuvent avoir une hauteur de 5m.
Calcul:λeff = heff / eeff = h / 2e ≤ 5. Par conséquent h ≤ 5 x 2 x e = 5 x 2 x 0,5 = 5 m.eff =heff/eeff=h/2e≤5.Parconséquenth≤5x2xe=5x2x0,5=5m.
Etant donné que la longueur libre maximale de mur est de 3,5 m ( D ≤ 10e) et que les ouvertures sont àplusde1mdesangles (p≥2e),k=1,4.
Calcul:λeff = heff / eeff = h / 2e ≤ 5. Par conséquent h ≤ 5 x 2 x e = 5 x 2 x 0,5 = 5 m.eff =h/2ke ≤5.Parconséquent≤10ke=10×1,4×0,5=7m.
La hauteur maximale est finalement de 7m.
Le diaphragme, dans la mesure où il relie l’ensemble des murs en une nouvelle base stable, permet, en terme de stabilité, de considérer les murs situés au-dessus comme de nouveaux murs.
Il autorise ainsi à monter des murs sur plusieurs niveaux, en se dégageant de la contrainte d’élancement qui obligerait à avoir des murs très épais, dans la limite bien évidement de la résistance à la compression du matériau.
4.2.4.3 Chaînages
Le principe d’un chaînage est d’adjoindre à un mur en pisé des éléments filants horizontaux au niveau de chaque plancher et en tête, capables de supporter des efforts de traction, si une continuité est assurée aux angles.
Toutefois, ces seuls éléments ne permettent pas de renforcer de façon significative la stabilité d’un bâtiment, et, en l’absence de diaphragmes, ils conduiront même à une concentration des efforts dans les angles pouvant conduire à la rupture.
La mise en place d’un chaînage ne doit pas bloquer les éventuelles dilatations-retraits du pisé. Plusieurs solutions sont envisageables. Quelques exemples informatifs :
- chaînage « rapporté » type muralière, dans un plan différent de celui du pisé pour que ses dilatations ne se transmettent pas au pisé, mais également qu’il ne bloque pas les éventuelles dilatations du pisé,
- chaînage en appui sur les murs, réalisé en filière sèche, avec un matériau ayant une dilatation compatible avec celle du pisé.
Les chaînages peuvent être réalisés facilement en bois.
Les chaînages en béton armé nécessitent des précautions, car le béton varie dimensionnellement suivant les différences de température, le pisé suivant les différences d’hygrométrie. Un chaînage en béton armé ne doit donc pas être encastré dans le pisé. Ces dispositions conduisent à ne pas conseiller de chaînage en béton armé.
4.2.4.4 Tirants
L’utilisation de tirants* pour reprendre les mouvements latéraux des murs, -classique pour les murs en pierre ou en béton-, n’est pas recommandée pour les murs en pisé du fait de la moindre résistance du matériau pisé à l’arrachement.
4.2.5 Résistance aux forces horizontales supplémentaires
Des efforts horizontaux particuliers provenant d’éléments extérieurs peuvent s’ajouter aux efforts courants (vent, usage, etc. ) :
- poussées des arcs et des voûtes, etc.
- poussées de certaines toitures : charpente sur blochet, etc.
- vent supérieur à 100 km/h,
- sollicitations sismiques
Ces poussées latérales appliquées sur le mur en pisé se combinent avec les charges verticales correspondant à la masse du pisé, à la toiture, aux planchers, etc. Dans tous les cas de charges, l’intégralité de l’épaisseur du mur doit être maintenue en compression. Il est d’usage de vérifier que la résultante de toutes les forces exercées est contenue dans le tiers central du mur.
Dès que l’autostabilité de l’ouvrage ne peut plus être assurée, des éléments connexes sont à mettre en place pour reprendre une partie des efforts latéraux.
4.2.6 Saignées et engravures
Toute entaille faite dans un mur en pisé, saignée ou engravure, affaiblit sa résistance mécanique et sa stabilité :
- en relation avec les phénomènes saisonniers de retrait et dilatation : engravure verticale ou oblique,
- en relation avec la descente de charges : engravure horizontale, verticale ou oblique.
Néanmoins, des saignées verticales d’une profondeur inférieure à 5% de l’épaisseur du mur sont généralement admises en parties courantes. Si des incorporations nécessitent des saignées ou engravures plus importantes, ou situées en bordure d’ouverture ou en extrémité de mur, on doit veiller tout particulièrement à leur dimensionnement. Un
calcul de descente de charges à ces endroits est nécessaire pour vérifier la résistance de l’ouvrage.
Il est à noter que les engravures extérieures peuvent entraîner des pathologies liées à l’eau qu’il faudra anticiper, voire traiter (voir paragraphe 3.3).
4.3 Les ouvertures ou baies
Les charges qui pèsent sur une ouverture sont des charges verticales et le pisé travaille majoritairement en compression.
En conséquence, le franchissement d’une ouverture et la répartition des charges qui en découle se fait naturellement en arche selon un « effet de voûte* ». Les forces verticales se répartissent alors de façon oblique. La résultante de ces forces doit impérativement rester dans le plan du mur (ouvertures suffisamment éloignées des extrémités de murs, sauf dispositions particulières).
Pour s’adapter à l’orthogonalité des menuiseries, on couvre le plus souvent l’ouverture par un linteau. Le linteau transmet les charges des parties supérieures sur les surfaces d’appui, ce qui peut générer des contraintes trop importantes et une fissuration.
Des dispositions, spécifiques aux ouvertures, peuvent permettre d’éviter la fissuration par la diminution des contraintes :
- un dimensionnement correct du linteau,
- la mise en place d’un arc de décharge maçonné, au-dessus du linteau,
- la reprise des charges par des jambages, bâtis avec un matériau plus résistant (bois, briques, pierres, etc.). Dans ce cas, il est important d’anticiper les mouvements verticaux différentiels.
Exemples de solutions
Les linteaux peuvent être en :
- bois, à prévoir suffisamment sec pour éviter le retrait
- pierre, auquel cas, et selon la résistance et l’épaisseur de la pierre, il est le plus souvent nécessaire de prévoir un arc de décharge,
- béton armé (à réaliser en préfabrication pour ne pas détremper la terre au moment du coulage ou prévoir un procédé pour pallier à ce problème).
- métal, en prévoyant les mouvements de dilatation (Attention également au risque de point de rosée sur ce matériau très conducteur thermiquement)
ou tout autre matériau pouvant supporter un effort de flexion, en anticipant ces éventuels mouvements La décharge du linteau peut se résoudre de différentes manières.
Afin de gérer les tassements différentiels, il est possible de :
- mettre en place des jambages après tassement et séchage du pisé,
- prévoir une liaison entre le linteau et les jambages qui puisse coulisser (dans la cadre d’assemblages bois par exemple)
(la suite est dans le pdf, voir le lien dans la page suivante)