Dimensionnement d’un gratte-ciel et étude des possibilités de raidissement d’une construction en hauteur

Introduction

L’abondance de sujets intéressants dans le domaine des constructions en hauteur est telle qu’il n’est pas possible de tous les aborder dans ce travail de Master en Génie Civil. Ce projet se concentre principalement sur la problématique du raidissement horizontal des gratte-ciel. Une seconde étude, plus courte, concernant les déformations différentielles dues aux effets différés a également été réalisée. Le but principal de ce travail est l’optimisation du système de raidissement.

La base de la structure de ce projet est la tour Sacyr Vallehermoso construite à Madrid. Il s’agit d’un gratte-ciel dont les 2/3 des surfaces disponibles sont occupées par un hôtel et le tiers restant par des espaces de bureaux. Sa structure est composée d’un noyau central en béton armé entouré de trois rangées de colonnes mixtes. Les dalles sont également réalisées en construction mixte afin d’augmenter la vitesse de mise en œuvre. Un étage de raidissement sur deux niveaux se situe au sommet de la tour. Dans le cadre de ce projet, nous avons modifié la structure réelle afin de l’adapter à nos envies et besoins, en construisant tous les éléments en béton armé.

Ce travail est divisé en quatre parties. La première partie est une introduction générale aux différents systèmes de raidissement, elle illustre les possibilités réellement mises en pratique par les ingénieurs praticiens. La deuxième est consacrée à la description de la structure porteuse et stabilisatrice du gratte-ciel.

L’utilisation des étages, les matériaux utilisés et le système de raidissement à optimiser y sont décrits en mettant l’accent sur les modifications apportées par rapport à la structure réelle de Madrid. La troisième partie est dévolue à l’optimisation du système de raidissement. Elle explique d’abord le modèle théorique de comportement et les paramètres du modèle. Elle illustre ensuite les différentes résolutions effectuées pour réussir à appréhender le comportement de la structure et l’influence de chacun des paramètres. La quatrième et dernière partie contient une analyse simplifiée de la redistribution des efforts due à l’étage de raidissement. Elle commence par expliquer la problématique inhérente aux effets différés. Elle illustre ensuite les calculs et résultats obtenus pour le fluage et le retrait.

Des copies des différentes tables des matières ci-avant et de la bibliographie sont fournies en annexe. Elles permettent au lecteur attentif de mieux se repérer lors de la lecture du travail sans faire des allers-retours entre les différentes pages.

Ce rapport est le résultat d’un important travail effectué avec le laboratoire de construction en béton (IBETON). Je tiens à remercier chaleureusement l’ensemble des personnes pour leur précieuse contribution lors de la réalisation de ce travail. Ma reconnaissance va en particulier à M. Luca Tassinari pour son aide compétente et sa disponibilité. Je remercie sincèrement M. Miguel Fernández Ruiz et M. Aurelio Muttoni pour leurs précieux conseils d’experts avisés et pour m’avoir laissé une grande liberté quant à l’orientation de ce projet. Mes remerciements vont également à Mlle Jennifer Palley et à M. Amédée Lopez pour leurs commentaires et conseils concernant la rédaction ainsi que pour la relecture très soigneuse de la version finale.

1 Principaux systèmes structuraux de raidissement

Le but de cette étude des différents systèmes structuraux de raidissement est la compréhension générale de la problématique de raidissement horizontal d’une construction en hauteur. Nous allons donc étudier différents systèmes de raidissement envisageables afin d’en choisir un et de l’optimiser.

Le meilleur moyen de commencer ce parcours des différents systèmes de raidissement existants est de l’illustrer par la Figure 1 ci-dessous.

Figure 1 : Types de structures

Sans faire de séparation entre les structures en béton armé, en acier ou en construction mixte, la Figure 1 fait état d’une grande partie des systèmes de raidissement usuels pour des bâtiments de plus de 20 étages. Très claire et schématique, elle montre des vues en plan et en élévation ainsi que l’évolution du nombre d’étages maximal réalisables pour chaque système. Il est également intéressant de regarder le graphique qui donne approximativement la répartition de la matière utilisée pour résister aux charges gravitaires et horizontales.


Deux limites « psychologiques » importantes peuvent être mises en exergue :

  • Pour des bâtiments de moins de 30 étages, il est possible d’utiliser des
    systèmes structuraux composés uniquement de cadres rigides, métalliques ou
    en béton armé, ainsi qu’un raidissement uniquement assuré par des refends.
  • Pour des constructions dont la hauteur est supérieure à 60-70 étages, le
    principal groupe de systèmes envisageable est le système en tube.

Nous allons à présent faire un focus sur les structures en béton armé qui sont, dans le
cadre de ce travail, les structures que nous allons étudier. Pour ce faire, nous nous

basons sur un « classement » réalisé par M. Taranath[20] et illustré à la Figure 2.
Rappelons tout de même que ces listings sont très difficiles à réaliser, car en réalité, il
existe presque autant de structures différentes qu’il y a d’ingénieurs.

Figure 2 : Types de structures en béton armé [20]

1.1 Dalles sur murs et/ou colonnes

Ce premier groupe de structures transmet les charges horizontales par les planchers aux colonnes/murs puis de ces éléments verticaux aux fondations. La liaison entre les éléments horizontaux et verticaux doit donc être semi-rigide afin de ne pas devoir disposer de contreventement supplémentaire.

  • Pour des bâtiments inférieurs à 10 étages, un système composé uniquement de planchers-dalles est envisageable. Le comportement est alors celui d’une superposition de cadres semi-rigides.
  • Pour des constructions de plus de 10 étages, le système composé uniquement de colonnes comme éléments verticaux, n’est plus suffisant à conférer la rigidité latérale. Il faut alors en plus disposer des refends verticaux travaillant comme des poutres en porte-à-faux. Les colonnes peuvent ainsi être bi-articulées, ce qui facilite la mise en œuvre et simplifie les détails d’armature.
  • Pour atteindre des hauteurs d’une vingtaine d’étages, une combinaison des deux systèmes susmentionnés est également possible en tenant compte des refends et de l’effet cadre introduit par les colonnes. Afin que l’effet cadre et la transmission des charges horizontales aux refends puissent être considérés, les éléments verticaux doivent être liés aux dalles. La rigidité relative des différents éléments déterminera la contribution des cadres au raidissement latéral par rapport aux refends. Pour des bâtiments entre 10 et 20 étages, cette participation des cadres à la rigidité latérale n’est que d’environ 15[%], les 85[%] restants étant assurés par les refends. Soulignons que cet apport supplémentaire de résistance est très souvent négligé par les ingénieurs tant la complexité du comportement et des calculs augmente.

1.2 Couplage de refends

La différence entre ce système et le précédent est l’interconnexion des murs par des poutres ou des dalles très rigides de manière à ce qu’ils travaillent ensemble. La rigidité totale du système est alors supérieure à la somme des rigidités individuelles

des refends. Ce système, composé de refends fonctionnant comme des porte-à-faux, peut être utilisé pour résister à des charges horizontales jusqu’à une hauteur d’environ 25 étages.
Ces refends ainsi couplés auront fréquemment une forme de L ou U constante sur la hauteur, car cela permet d’y insérer tous les cheminements verticaux (escaliers, ascenseurs, conduits,…). Contrairement à un simple mur, rigide dans une seule direction, ce couplage les rend efficaces dans les deux directions principales.

1.3 Cadres rigides

Ce système se compose de colonnes et de dalles rigidement liées. Les dalles peuvent être assimilées à des poutres si leur épaisseur est suffisante ou si elles sont composées de sommiers reliant directement deux colonnes. Le système ainsi composé se comporte comme un cadre permettant de reprendre aussi bien un effort tranchant qu’un moment de flexion.

Ce genre de système est adapté pour des structures jusqu’à 25-30 étages. Coulé en place, le béton présente donc l’avantage de créer des joints continus. Néanmoins, une attention particulière devra être portée à la conception des détails afin d’assurer la rigidité de la liaison au niveau des armatures.

Figure 3 : Système en cadres rigides

Dans les bâtiments à étages multiples, des ouvertures centrales permettant les circulations verticales sont toujours construites. Ces ouvertures sont souvent utilisées pour des cages d’ascenseur ou d’escaliers ne nécessitant généralement pas de lumière naturelle. Il est donc très fréquent de les construire en béton armé, ce qui crée une structure verticale très rigide appelée : « noyau ». Souvent situé dans la partie centrale de la construction, ce noyau travaille comme une poutre console encastrée dans les fondations.

Figure 4 : Système à noyau central [4]

L’avantage principal de ces structures est la forme du noyau leur permettant de résister à tous types de charges : verticales, efforts tranchants, moments de flexion dans les deux directions et torsion. Il reprend donc la majorité des forces horizontales qui lui sont transmises par l’intermédiaire des dalles jusqu’à environ 40 étages.

Il faudra, pour ces structures, faire attention aux effets différés du béton, et ce particulièrement si le reste de la structure est en acier.

1.5 Interaction murs/noyau(x) et cadres

Ce système est sans conteste le plus utilisé pour la construction de systèmes résistants aux charges latérales. Il peut aussi bien être appliqué pour des bâtiments de 10 étages que pour des gratte-ciel jusqu’à 50 étages.

L’interaction des cadres (dalles + montants) et des murs ou noyau(x) a été comprise il y a déjà longtemps. Le mode d’interaction classique entre les deux systèmes est illustré à la Figure 5 ci-dessous. Les cadres se déforment principalement au cisaillement tandis que le(s) noyau(x) et les murs répondent, comme des poutres consoles, avec une déformation à la flexion. La compatibilité des déformations horizontales produit alors une interaction entre les deux systèmes. La forme linéaire du diagramme des moments des cadres, combinée avec la forme parabolique de celui du noyau produisent des déformations qui engendrent une rigidité accrue du système. Le noyau est retenu dans la partie haute de la construction de même que les cadres en partie basse.

Le(s) étage(s) de raidissement sont des étages très rigides, sur un ou plusieurs niveaux, composés essentiellement de murs reliant le noyau aux colonnes. Cette liaison ainsi créée permet de rigidifier la structure en faisant participer les montants à la reprise des moments de flexion. Le système est alors composé d’une poutre console encastrée dans les fondations (noyau) et de tirants/butons (montants) reliés

au noyau par une traverse très rigide. Il est également possible de trouver des étages de raidissement composés de treillis horizontaux. Dans le cas ou un seul étage de raidissement est disposé, il est possible de déterminer sa position optimale vis-à-vis des déplacements horizontaux au sommet.

Ce calcul est réalisé au §3.3.3 et indique que cette position est à z H = 0.54 mesurée
depuis la base du gratte ciel.

Figure 5 : Interaction noyau(x)/murs et cadres

Au sommaire

0 Introduction

1 Principaux systèmes structuraux de raidissement

  • 1.1 Dalles sur murs et/ou colonnes
  • 1.2 Couplage de refends
  • 1.3 Cadres rigides
  • 1.4 Noyau(x)
  • 1.5 Interaction murs/noyau(x) et cadres
  • 1.6 Noyau(x) et étage(s) de raidissement
  • 1.7 Divers systèmes composites
  • 1.8 Systèmes tube

2 Structure du gratte-ciel

  • 2.1 Structure adaptée pour ce projet
  • 2.1.1 Description de la construction
  • 2.1.2 Utilisation prévue
  • 2.1.3 Durée de service prévue
  • 2.1.4 Durabilité de l’ouvrage
  • 2.1.5 Système structural
  • 2.1.6 Données géométriques principales
  • 2.1.7 Matériaux de construction
  • 2.1.8 Détails de construction
  • 2.1.9 Procédé d’exécution
  • 2.2 Principales modifications
  • 2.3 Dimensions et matériaux utilisés
  • 2.4 Système de raidissement du gratte-ciel

3 Optimisation du système de raidissement du gratte-ciel

  • 3.1 Modèle théorique de comportement
  • 3.1.1 Bases théoriques
  • 3.1.2 Modèle mathématique
  • 3.2 Paramètres du modèle
  • 3.2.1 Inertie du noyau
  • 3.2.2 Rigidité latérale des cadres (GA*)
  • 3.2.3 Charges de vent
  • 3.3 Résolutions théoriques
  • 3.3.1 Résolution de l’équation différentielle de comportement
  • 3.3.2 Noyau seul
  • 3.3.3 Noyau – étage de raidissement (EI∞ et rotation bloquée)
  • 3.3.4 Noyau – cadres
  • 3.3.5 Noyau – cadres – étage raidissement (EI∞ et rotation bloquée)
  • 3.3.6 Noyau – étage de raidissement (EI∞ et rotation admise)
  • 3.3.7 Noyau – étage de raidissement (EIr et rotation admise)
  • 3.3.8 Synthèse des résultats
  • 3.4 Résolution méthode « Khan & Sbarounis »
  • 3.4.1 Concept et méthode d’analyse
  • 3.4.2 Méthode de calcul
  • 3.4.3 Résultats
  • 3.5 Résolution matricielle (nœuds par nœuds)
  • 3.5.1 Système simplifié
  • 3.5.2 Résultats
  • 3.6 Résolutions systèmes numériques 2D
  • 3.6.1 Modélisations numériques 2D
  • 3.6.2 Rigidité EI équivalente, système W
  • 3.6.3 Rigidité GA* équivalente, système F
  • 3.6.4 Variantes de calcul
  • 3.6.5 Noyau seul
  • 3.6.6 Noyau – étage de raidissement (EI∞ et rotation bloquée)
  • 3.6.7 Noyau – cadres
  • 3.6.8 Noyau – cadres – étage raidissement (EI∞ et rotation bloquée)
  • 3.6.9 Noyau – étage de raidissement (EI∞ et rotation admise)
  • 3.6.10 Noyau – étage de raidissement (EIr et rotation admise)
  • 3.6.11 Synthèse des résultats
  • 3.7 Résolutions systèmes numériques 3D
  • 3.7.1 Colonnes
  • 3.7.2 Noyau
  • 3.7.3 Dalles
  • 3.7.4 Appuis
  • 3.7.5 Étage de raidissement
  • 3.7.6 Charges de vent
  • 3.7.7 Maillage
  • 3.7.8 Modélisation complète
  • 3.7.9 Résolutions numériques 3D, dalles 300[mm]
  • 3.7.10 Résolutions numériques 3D, dalles 10[mm]
  • 3.7.11 Synthèse des résultats
  • 3.8 Comparaison des modèles et influence des différents paramètres
  • 3.8.1 Comparaisons entre résolutions théoriques
  • 3.8.2 Comparaisons entre résolutions théoriques et numériques 2D
  • 3.8.3 Comparaisons entre résolutions numériques 2D
  • 3.8.4 Comparaison finale avec les résolutions numériques 3D
  • 3.9 Position optimale de l’étage de raidissement
  • 3.9.1 Paramètres non considérés
  • 3.9.2 Position optimale vis-à-vis des déplacements sommitaux
  • 3.9.3 Autres critères d’optimisation
  • 3.9.4 Position retenue dans le cadre d’un projet réel
  • 3.10 Questions générales
  • 3.10.1 Règle empirique de la position optimale à 2/3H
  • 3.10.2 Position sommitale de l’étage de raidissement dans le projet réel à Madrid

4 Redistribution des efforts, effets différés différentiels

  • 4.1 Problématique
  • 4.2 Modèle théorique de comportement
  • 4.2.1 Déformation instantanée
  • 4.2.2 Déformation de retrait
  • 4.2.3 Déformation de fluage
  • 4.2.4 Principe de superposition
  • 4.3 Analyse des effets différés
  • 4.3.1 Équation intégrale de Volterra
  • 4.3.2 Méthode du coefficient de vieillissement
  • 4.3.3 Redistribution des efforts dans les éléments verticaux
  • 4.3.4 Facteur de correction dû aux barres d’armature
  • 4.4 Descente de charges
  • 4.5 Retrait
  • 4.5.1 Situation de charge déterminante
  • 4.5.2 Déformations différées de retrait
  • 4.5.3 Redistribution des efforts due aux déformations différentielles de retrait
  • 4.6 Fluage
  • 4.6.1 Hypothèses de calcul
  • 4.6.2 Déformations différées de fluage
  • 4.6.3 Redistribution des efforts due aux déformations différentielles de fluage
  • 4.7 Synthèse effets différés

5 Conclusion

6 Bibliographie

  • 6.1 Livres, polycopiés, publications
  • 6.2 Articles
  • 6.3 Notes de cours
  • 6.4 Sites Web


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