Albert Caquot est né le 1er juillet 1881 à Vouziers (Ardennes). Il entre à l’âge de 18 ans à l’Ecole Polytechnique d’où il sort en 1901 dans le corps des ponts et chaussées. En 1912 il quitte l’administration pour devenir l’associé d’Armand Considère, l’inventeur du béton fretté et de Louis Pelnard, gendre de Considère. Il va ainsi se consacrer pendant plus de cinquante ans à la construction d’ouvrages en béton armé.
Cependant les circonstances nationales vont le forcer à déployer également son activité dans le domaine de l’aérostation et de l’aéronautique. Lorsqu’il s’éteint le 27 novembre 1976, l’Académie des Sciences, dont il était membre, le considère comme « le plus grand des ingénieurs français vivants » depuis un demi-siècle.
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Début de carrière dans l’administration à Troyes
De 1905 à 1912 il est affecté en tant qu’ingénieur ordinaire des ponts et chaussées à Troyes, où il participe à la conception du pont Hubert sur la Seine en proposant le système des rouleaux de dilatation, cylindres de gros diamètres dont l’axe est dirigé perpendiculairement à la direction de dilatation du pont.
Cette innovation vise à faire converger les efforts vers le centre des fondations par l’intermédiaire de surfaces roulantes supportant des milliers de tonnes. Cette technologie fut largement appliquée durant un demi-siècle jusqu’à l’apparition des caoutchoucs néoprènes qui les remplacèrent.
Albert Caquot révolutionne l’aérostation durant la première guerre mondiale
Albert Caquot, qui avait accompli en 1901 et 1902 son service militaire comme sous-lieutenant au bataillon de sapeur aérostiers du 1er régiment du Génie, se retrouve en 1914 commandant la 21ème compagnie d’aérostiers à Toul. A cette époque, les français utilisent sur les champs de bataille les ballons d’observation sphériques de 750 m3
conçus en 1880 par le colonel Renard. Le capitaine Albert Caquot apporte immédiatement quelques améliorations au ballon, mais encore insatisfait des performances de ce matériel, il met au point un nouveau ballon captif d’observation, communément appelé « saucisse », inspiré des « Drachen » allemands. Un prototype est réalisé à Chalais-Meudon.
Début 1915, le général Hirschauer, directeur de l’aviation au ministère de la Guerre, fait effectuer des essais comparatifs avec le ballon sphérique Renard, la copie du Drachen allemand et le ballon Caquot. Le verdict est sans appel : le Renard supporte des vents de 38 km/h, le Drachen de 54 km/h et le Caquot de 90 km/h grâce à sa carène ovoïde offrant une résistance aérodynamique minimale.
Aussi en juin 1915 Albert Caquot prend la direction de l’atelier mécanique d’aérostation de ChalaisMeudon afin de procéder à la construction en grande série des ballons de son invention. De 7 unités par mois en 1915, la production atteint 319 unités par mois à la fin de la guerre. Notons qu’à partir de 1917 les ballons Caquot sont copiés par les allemands pour remplacer les Drachen. Homme d’une grande probité, Albert Caquot a fait l’abandon de tous ces droits d’inventeur à l’Etat français.
Le système d’attache Caquot est également supérieur à celui du Drachen, l’axe du ballon faisant seulement un angle de 5° avec l’horizontale au lieu de 45° pour le ballon allemand. Surtout l’amélioration tient à la présence de trois empennages souples à l’arrière, mais triangulés intérieurement, disposés dans les plans de trois méridiennes à 120°, reliés à la carène. Ce système, permet, lors des rafales de vent, d’éviter les mouvements pendulaires si mal ressentis par les observateurs, qui devenus nauséeux se révèlent inaptes à délivrer des informations fiables.
Les ballons Caquot jouent également un grand rôle sur mer grâce à une adaptation spécifique du treuil réalisée par Albert Caquot pour la marine britannique. Ce dispositif maintient le câble avec une tension variable, afin que le ballon puisse osciller en souplesse en altitude.
De juillet à fin novembre 1916, 46 ballons de 900 m3 sont livrés au Royaume-Uni, puis Albert Caquot est envoyé à Londres en décembre 1916 pour construire sur place les ballons destinés à la marine britannique. Grâce à l’utilisation de ces ballons sur des navires britanniques, la détection des sous-marins allemands en mer du nord est plus aisée et les pertes par torpillage moindres que pour la marine française, qui n’utilise pas encore les ballons Caquot sur mer.
Aussi en 1917 Caquot est envoyé à Brest pour mettre la marine française au même niveau. Les ballons Caquot sont également mis à contribution en 1917 et 1918 pour protéger Londres des bombardements allemands. Ils permettent de soutenir des câbles tendus qui font barrage contre l’aviation allemande.
Le 14 octobre 1917, il est nommé chef de bataillon, puis directeur de la section technique de l’aéronautique militaire, où il œuvre notamment à l’amélioration des moteurs d’avions. Son activité se déploie inlassablement pour aider les constructeurs, qui à la veille de l’armistice, livrent quotidiennement 100 avions à l’armée française.
Retour à la vie civile et au génie civil
Rendu à la vie civile après l’armistice, Albert Caquot poursuit sa carrière de constructeur de grands ouvrages en béton armé au sein du bureau d’études « Pelnard-Considère et Caquot ». Il réalisera au cours de sa carrière entre trois et quatre cent ponts en France et à l’étranger. Le plus célèbre est le pont de la Caille au nord d’Annecy en Haute-Savoie, achevé en 1928 et qui constituait à l’époque un record mondial pour une seule arche de portée 137,5 m.
Il est également le concepteur de grands barrages, dont celui du Sautet (Isère) sur le Drac à 40 km de Grenoble, mis en service en 1935 et comprenant un arc de 126 m de hauteur et de 80 m de longueur dans sa partie haute. Albert Caquot construit aussi de grandes halles en béton armé, tel le Hangar d’aviation de la base aéronautique de Fréjus (Var), dit « le paquebot » avec ses 7000 m2 de planchers couverts, inauguré en 1935.
Il conçoit pour Les chantiers de la Loire à Saint-Nazaire une forme de cale, dite « Jean-Bart », permettant la construction de navires de grandes dimensions. Le premier bâtiment construit grâce à ce dispositif de terre-plein, adossé à une forme de radoub, est le « Jean-Bart » de 50 000 tonnes. Par la suite, cette installation – forme Jean-Bart – est agrandie pour permettre la construction de navires pétroliers de 500 000 tonnes.
Parmi les ouvrages emblématiques d’Albert Caquot, il faut citer sa contribution au célèbre « Christ rédempteur » du mont Corcovado à Rio Janeiro (Brésil), monument dessiné par le sculpteur français Paul Landowski et inauguré en 1931. Albert Caquot est l’auteur de la structure interne en béton armé pour cette réalisation de 38 m de hauteur, surmontée d’une statue de 30 m pour une masse totale de 1145 tonnes.
En parallèle et en complément de son activité de constructeur, il se passionne pour une science naissante : la mécanique des sols. En 1933 il publie son premier livre « Equilibre des massifs à frottement interne. Stabilité des terres pulvérulentes ou cohérentes » dans lequel il exprime des théories nouvelles sur les rapports entre le frottement des milieux granulaires et le frottement de la roche mère et leurs répercussions sur les poussées et contraintes.
Le 12 novembre 1934, il est élu à l’Académie des sciences, section de Mécanique. Son épée d’académicien résume parfaitement sa double carrière dans le génie civil et dans l’air avec sa poignée représentant le pont de la Caille et son clavier décoré d’un ballon d’observation, type « Caquot ».
Au service de l’aéronautique en vue de la seconde guerre mondiale
A partir de 1928 il va devoir se dévouer de nouveau à l’aviation. En septembre 1928 est en effet créé un ministère de l’Air au profit de Laurent Eynac, ancien sous-lieutenant aviateur-bombardier pendant la guerre de 1914-1918. Dès octobre 1928 Laurent Eynac crée le poste de directeur général technique et industriel, qu’il confie à Albert Caquot lequel le conservera jusqu’en mars 1934.
Cette période est féconde car tout est à créer. Il fonde écoles et instituts de mécanique des fluides, lance la construction de la Grande Soufflerie de Chalais-Meudon. Son œuvre est immense. Il rénove l’aviation française, rationalisant, regroupant, s’appuyant sur des industriels de premier plan, tel Marcel BlochDassault, qui écrira « M. Caquot est un des meilleurs techniciens que l’aviation n’ait jamais connus.
C’était un visionnaire qui, dans tous les domaines, abordait l’avenir ». Néanmoins devant la baisse des crédits de recherche décidée par un nouveau ministre de l’air, le général Denain en février 1934, Albert Caquot se retire et retourne à ses activités de génie civil. Mais en raison des menaces de guerre, Albert Caquot est rappelé en septembre 1939 et retrouve son poste de directeur technique et industriel, mais ne réussit pas à imposer ses vues – accélération de la fabrication des avions – au chef d’état-major de l’armée de l’air le général Vuillemin et démissionne en mars 1940.
Il conserve toutefois ses fonctions de président des sociétés nationales d’aéronautique, qui lui permettent de décentraliser les usines, d’en installer certaines dans des carrières à l’abri d’éventuels bombardements, mais de tels efforts auraient dû être entrepris 18 mois plus tôt pour porter leurs fruits. Il remet sa démission en septembre 1940, après avoir refusé de livrer aux allemands 24 avions Bloch.
Poursuite d’une vie très active dans l’après-guerre
Après la seconde guerre mondiale, Albert Caquot fait partie du Conseil économique, et est élu Président de l’Académie des sciences au cours de l’année 1952. De 1949 à 1961, il préside le Conseil scientifique de l’Onera (Office National d’Etudes et de Recherches Aéronautiques), organisme nouvellement créé.
En février 1952, à l’âge de 72 ans, il est promu Grand-Croix de la Légion d’honneur. Il poursuit son activité créatrice en participant à la construction de nombreux autres ponts, canaux et barrages : pont levant de Martrou, Canal du Bas Languedoc. Il laisse son nom à une courbe la caquoïde, proposée à EDF en 1965 pour la réalisation d’une galerie à Curbans sur la Durance.
Cette courbe est un profil à courbure continue destiné à remplacer les anciennes formes de souterrain en fer en cheval. Agé de 80 ans il apporte encore à EDF une contribution significative lors de la réalisation de l’usine marémotrice de la Rance (Ille-et-Vilaine), avec la conception des caissons « Caquot » qui permirent de protéger le chantier durant la phase de construction du barrage.
Au cours de sa longue existence, Albert Caquot a enseigné dans les écoles des mines, des ponts et chaussées et de l’aéronautique. Il est également considéré comme le « Père » de la normalisation industrielle et après la seconde guerre mondiale se voit confier la présidence de l’Association Française de NORmalisation (AFNOR) et celle de l’International Organization for Standardization (ISO).
De son mariage en 1905 avec une compatriote de Vouziers Jeanne Lecomte, il eut une seule fille, qui épouse Jean Kerisel, auteur d’une excellente biographie de son beau-père intitulée « Albert Caquot, Savant, soldat et bâtisseur », titre qui résume parfaitement la carrière de cet exceptionnel ingénieur.
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