Actes du colloque Béton, révolution, architecture

En premier lieu, merci aux nombreuses personnes présentes, qui ont répondu à la provocation du titre de ce colloque “Bétons : Révolution Architecture ?” 

En effet le propos du colloque est tourné vers les architectes pour les solliciter sur les conditions d’appropriation des nouveaux bétons, dans la conception architecturale et réfléchir avec eux sur les transformations et mutations du processus de création que ceux-ci peuvent entraîner. Nous invoquons donc le mot révolution, non pas au sens banalisé de ce qui est surprenant, mais au sens d’une remise en cause, d’un changement dans l’appréhension et l’organisation du monde habité qui ne saurait se limiter à des questions de construction et de produits. L’esprit ici est du domaine de la recherche et de la formation.

Il faut dire quelques mots sur l’origine de ce colloque. Depuis trois ans, notre école, dans le cadre du programme de recherche BHP 2000 a développé en coopération avec l’École Française du Béton, un enseignement “d’architecture et structure” portant sur les BHP, s’adressant à des étudiants en fin du cursus. Très vite ceuxci ont pris conscience des nouvelles possibilités de ces BHP qui, pour les architectes, pourraient au delà des conditions techniques de production devenir des éléments moteurs inhérents au processus de conception, voire de modélisation. On est ainsi très vite passé du matériau industriel performant à l’objet didactique avec pour objectif de faire travailler autrement ces futurs architectes.

Il est rapidement ressorti que l’exploitation et la mise en œuvre de ces BHP allaient permettre de nouveaux volumes, de nouveaux défis à la statique et à l’équilibre, donc à d’autres formes et ordonnancements. Qu’il s’agisse d’équipements ou de logement, l’ensemble de ces nouvelles performances, y compris en matière de coût, d’usage et de maintenance, est appelé à faire évoluer les prescriptions de l’architecte. Il en va de même pour l’évolution des enjeux fondamentaux architecturaux et urbains : enjeu de notre environnement bâti et de l’aménagement de l’espace, enjeu de la ville et de ses échelles, enjeu d’ambiance, d’ergonomie et d’image du bâti, enjeux économiques. A cela s’ajoutent d’autres conditions de durabilité des bâtiments, ce qui interpelle l’architecte aussi dans sa responsabilité sociale.

Ainsi, l’interaction entre le concept et sa matérialisation BHP impose aux responsables de la formation des architectes d’intégrer l’approche de ce nouveau matériau en terme d’expérimentation, de recherche et d’enseignement. Il nous est alors apparu comme une évidence que nous avions l’École Française du Béton, ses grands partenaires, et l’École d’Architecture de Paris-Villemin une responsabilité en termes d’information et de formation vis à vis des architectes. Nous devions donc dans une parfaite mixité de culture et d’intéraction permanente architecture/ technique développer des actions de formation continue sur ces questions. Ce colloque est en quelque sorte la séance inaugurale d’un cycle d’actions de formation continue en la matière.

Bien évidemment et pour répondre à quelques inquiétudes, il ne s’agit pas de donner une tribune à tel ou tel matériau ou de primer telle ou telle architecture. Il s’agit, dans la limite de temps impartie de donner la parole, dans un esprit de recherche, à des spécialistes et auteurs d’architecture en béton, sachant que d’autres intervenants seront invités à participer aux futures sessions de formation continue. En bref, cohérence entre conception et matériau, nouvelles façons de concevoir recherche et prospective, utopie technique, en un mot révolution est la toile de fond de ces débats.

“une école sans murs, très ouverte qui apporte ses services aux établissements de formation existants ”

En introduction à ce colloque il est naturel de présenter l’École Française du Béton en particulier pour celles et ceux qui ne la connaîtraient pas encore. L’objectif de cette école est de favoriser l’information sur le béton et ses progrès auprès de tous les acteurs de la construction.

A la différence de certaines industries comme l’automobile où il existe un nombre limité de constructeurs et d’acteurs, dans le monde de la construction se trouve une foule d’acteurs qui ont des fonctions différentes.

On trouve en effet les concepteurs, les entreprises, les maîtres d’ouvrages. Ces acteurs sont très nombreux, divers, dispersés et de tailles extrêmement variées. Pour leur faire passer les informations, il est nécessaire d’avoir des catalyseurs capables d’activer cette transmission. Née de ce constat et des nécessités qui en découlent, l’École Française du Béton joue ce rôle de catalyseur.

Comme le souligne son président Y. Malier, il s’agit d’une école sans murs, très ouverte, qui apporte ses services aux établissements de formation existants.

Sa création est récente, et après une phase de montée en puissance, elle atteint son régime de croisière. Elle est présidée par Y. Malier, qui est à l’origine de sa création. Elle fonctionne avec un comité d’orientation qui regroupe une quarantaine de personnes représentant l’ensemble des professions de la construction : les concepteurs, les maîtres d’ouvrages, les maîtres d’œuvre, les établissements d’enseignement et aussi l’administration.

L’École Française du Béton assure bien évidement des missions de formation et d’information sous forme de conférences, de colloques, de documentations. L’édition d’un bulletin périodique de l’école permet d’informer toutes les personnes interéssées sur les progrès du matériau, sur les manifestations organisées par l’École Française du Béton. Enfin, elle intervient aussi en matière de labelisation d’ouvrages ou de documents de façon à fournir aux différents acteurs de la filière construction des outils de mise à jour des connaissances.

En effet, le béton est un matériau qui progresse sans arrêt comme il sera possible de s’en rendre compte tout au long de ce colloque.

La logistique de l’école est assurée par CIMBÉTON, auprès de qui sont disponibles de la documentation et toutes les informations concernant les actions de formation menées par l’École Française du Béton.

L’E.F.B.

Un matériau révolutionnaire

Le béton est un matériau en pleine révolution. Si l’on fait un peu d’histoire, de 1900 à 1980 le béton a été un matériau dont les propriétés ont été essentiellement « figées », tant du point de vue de la couleur, de la rugosité de surface, de la porosité interne que des propriétés mécaniques telles la résistance à la compression, le module d’élasticité, la (faible) résistance en traction, la relativement modeste aptitude à la non-fissuration ou encore l’ouvrabilité. Toutes ces propriétés étaient quasiment identiques et, à quelques variations assez minimes près, le même béton était toujours utilisé.

L’évolution des bétons à partir de la décennie 80

RÉDUIRE LA PRÉSENCE DE L’EAU

Depuis le début des années 1980, une grande pluralité de bétons est à notre disposition avec aujourd’hui des propriétés tout à fait « gouvernables ». Cette évolution s’est développée à partir des travaux effectués sur le rôle de l’eau dans le béton. Globalement, l’eau est utilisée pour deux types d’actions, l’hydratation et l’ouvrabilité du béton. L’hydratation va donner au béton ses propriétés mécaniques. En fait très peu d’eau est nécessaire pour hydrater le ciment contenu dans le béton ; cependant une importante part complémentaire d’eau est ajoutée afin d’obtenir une bonne ouvrabilité du béton donc une bonne mise en place dans les coffrages. Cette eau complémentaire, que l’on a longtemps cru nécessaire à la mise en œuvre, reste à l’état d’eau libre dans le béton durci et son lent départ au contact du milieu extérieur plus sec, va générer beaucoup de micro défauts tels les microfissurations, microruptures, déformations différées de retrait et de fluage, etc.

Ainsi, par la composition, on peut obtenir des bétons qui ont des propriétés tout à fait gouvernables.

L’approche globale, avec les bétons modernes va donc consister à réduire cette eau notamment en obtenant la fluidité du mélange, à l’état frais, par d’autres voies.

MAÎTRISER LA FLOCULATION

Comme toutes les poudres mélangées dans un liquide, les grains de ciment ont tendance à s’agglomérer entre eux du fait de la polarité de ce liquide. Les grains de ciment ont un diamètre moyen de 10 à 50 microns. Dans la pratique, lors de la mise en œuvre dans le béton, ils ne restent pas à l’état de grains isolés mais se regroupent pour constituer des agglomérats (les flocs) bien plus gros. Ces flocs piègent une partie de l’eau destinée à la fluidité. La présence des flocs réduit donc l’ouvrabilité, ce qui a pour conséquence un ajout d’eau dont les nuisances en terme de qualité future du béton viennent d’être évoquées.

Des produits « défloculants » (les superplastifiants) mis au point à partir des années 1980 et en très constante amélioration aujourd’hui permettent de casser les flocs et d’obtenir une meilleure répartition des grains de ciment. Grâce à cela, les bétons présentent une meilleure rhéologie avec pourtant, moins d’eau. Par ailleurs, les grains étant mieux répartis la résistance est plus homogène et améliorée (cf. photos 1 et 2).

OPTIMISER LE MÉLANGE GRANULAIRE

Une des évolutions des bétons récents est donc liée à la réduction de l’eau ; l’autre voie de progrès est en relation avec les théories modernes de la physique (P.-G. de Gennes E. Guyon) sur l’optimisation des empilements granulaires. En simplifiant beaucoup, on peut dire que du point de vue de la compacité et de la résistance, les meilleurs empilements granulaires sont ceux qui font appel à quatre échelles de grains. De ce fait, le béton classique est relativement condamné, car il ne fait appel qu’à trois trique avec les cailloux, l’échelle millimétrique avec les sables, l’échelle de quelques dizaines de microns avec les ciments. Les théories relatives aux empilements de grains optimisés, montrent que la quatrième échelle de grains qu’il faut introduire est de l’ordre de 0,1 à 0,5 micron. Ainsi avant même l’hydratation, qui reste, bien sûr, essentielle, le mélange granulaire obtenu sera parfaitement optimisé. Dans la pratique, diverses « ultrafines », et notamment les fumées de silice, ont cette propriété et leur emploi conduit donc à une considérable amélioration des performances mécaniques. Par ailleurs, ces microbilles ont aussi pour effet de lubrifier les grains plus gros que sont le ciment, le sable, les graviers et donc d’avoir ainsi une fluidité et une ouvrabilité naturelles tout en réduisant encore l’eau de malaxage.

LE BÉTON, UN MATÉRIAU AUX PROPRIÉTÉS GOUVERNABLES ET DONC PRESCRIPTIBLES

Ces deux voies, défloculer et optimiser le mélange granulaire, sont à la base de toutes les améliorations des bétons contemporains. Ainsi, par la composition, on peut obtenir des bétons qui ont des propriétés tout à fait gouvernables. Cela signifie que l’on peut désormais agir sur quatre familles de propriétés constructives :

  1. sur la consistance et l’ouvrabilité du béton frais. Il est possible d’obtenir des bétons très fluides (cas du béton autoplaçant) ou au contraire avoir des bétons de très hautes performances très fermes (cas des bétons extrudés),
  2. sur les propriétés mécaniques du béton, qu’il s’agisse de la résistance à la compression,de la résistance au très jeune âge, du fluage, de la résistance en traction, de l’aptitude à résister à la fissuration,etc.
  3. sur la durabilité liée à l’évolution interne du matériau ou de la durabilité liée aux agressions externes dues à l’environnement,
  4. sur les aspects esthétiques, au niveau de la micro rugosité de surface, de la couleur, de l’aptitude au moulage de micro-formes, de l’aptitude au polissage, au lavage, etc.

Il existe donc une foule de propriétés constructives qui sont maintenant programmables, avec cette notion de pluralité des bétons. Cela a des conséquences sur la façon d’aborder le projet en se posant d’abord l’ensemble des problèmes de conception, de méthodes de construction, de maintenance voire d’adaptabilité fonctionnelle future de l’ouvrage pour en déduire les propriétés que l’on voudra obtenir. Ainsi le choix du béton le plus adapté est vraiment au cœur du projet et à travers les possibilités de ce choix le rôle du maître d’œuvre est considérablement renforcé, notamment dès la prescription.

Les bétons modernes à l’écoute de la science, ou du Nobel de physique au Nobel d’économie.

La valorisation de ces nouveaux bétons appelle une analyse macro-économique du projet. Sans doute, doit-on tirer les conséquences de certains aspects des théories du Prix Nobel d’économie, Maurice Allais. Ainsi on peut dire que le moindre coût d’une opération n’est jamais la somme des moindres coûts de chacun des constituants de cette opération. Appliqué à la construction en béton cela signifie que la construction la moins coûteuse n’est jamais celle qui est réalisée avec le béton le moins coûteux.

Cette idée va totalement à l’encontre du point de vue le plus répandu dans le milieu du BTP. Il s’agit donc bien là d’une question de fond, voire d’un changement culturel. Il en résulte que la recherche de la plus juste prescription implique pour l’architecte une approche système du projet qui analyse toutes les phases de l’acte de construire en s’attachant à multiplier les interactivités entre ces phases.

Corollairement, il est donc intéressant d’évoquer les évolutions au niveau de certaines propriétés constructives évoquées précédemment et ce qu’elles impliquent car cela a ou aura des conséquences sur l’économie globale des projets. En ce qui concerne la consistance et l’ouvrabilité on peut penser que les innovations vont porter sur les process de construction, les méthodes et la planification. On peut penser par exemple à des pompages sur de très longues distances ou à de très hautes altitudes, à des bétons autoplaçants ou autonivelants, à des coulages sous pression de pièces moulées, à des extrusions sur longue distance, etc.

Bref, beaucoup de nouveaux process sont permis grâce à cette possibilité de « programmer » les bétons. Pour les nouvelles méthodes, il faut citer la suppression de la vibration des bétons. Ce qui permet d’éliminer sur le chantier une source de bruit et d’insécurité dont les retombées sont positives pour les ouvriers et pour le voisinage.

A la fois au niveau des méthodes et de la planification, les nouvelles possibilités d’agir sur le béton frais ou jeune autorisent des décoffrages très rapides car les résistances mécaniques nécessaires sont maintenant obtenues en quelques heures.

Il en résulte des bouleversements dans la planification, l’ordonnancement de chantiers, dans la gestion du matériel et par conséquent dans les investissements de l’entreprise et in fine dans les prix de revient de la construction.

Au sommaire:

Editorial 1/2

Conférences :

1- Un matériau révolutionnaire
2- Bétons hautes performances : formulation
3- Bétons : la matière des parements
4- Un matériau synonyme de liberté ?
5- Béton, matière de l’espace
6- Bétons de fibres 14/15métalliques
7- Béton :masse et légèreté, lumière et contraste
8- Plasticité, finesse, élancement
9- Les bétons à ultra-hautes performances

Ateliers :

1- Bétons ultra-hautes performances (BUHP)
2- Spécifications, prescriptions architecturales parements,esthétique
3- Traitements des surfaces et des matières
4- Bétons hautes performances : béton frais compositions, rhéologie
5- Champs d’applications architecturales – Travaux d’étudiants de 4ème année

Tables rondes :

Bétons : Révolutions architecture ?
La matière de tous les possibles ?

Conclusion

Le comité d’orientation
Comment adhérer à l’EFB



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