Résumé :
Lors de la conception d’un bâtiment pour résister au souffle résultant d’une explosion, la littérature normative permet l’utilisation de méthodes de calcul avancées. L’utilisation de méthodes normatives basées sur une approche globale et statique équivalente conduit généralement à un dimensionnement très conservateur. Une méthode de calcul avancée discrétise le phénomène dynamique en pas de temps (au sens numérique et physique) et la géométrie de la structure en plusieurs zones. Cette approche permet de restreindre les zones de ferraillage très dense, alors qu’une approche statique équivalente nécessiterait le même renforcement dans des zones plus étendues. Parallèlement, le calcul dynamique transitoire permet de représenter finement les phénomènes locaux de déformation des panneaux des éléments structuraux et de torsion des raidisseurs grâce à l’application d’un champ de pression variant dans le temps et dans l’espace. Même si le coût de conception est supérieur à une approche conventionnelle, le coût global du ferraillage peut considérablement diminuer grâce à l’optimisation qui est ainsi rendue possible. Cet article décrit une méthodologie de dimensionnement d’un bâtiment pour résister à une explosion interne, qui sollicite des calculs avancés et normatifs.
Cette méthode consiste en l’enchaînement d’un calcul dynamique transitoire avec une analyse d’Etat Limite Ultime Eurocode 2. Elle est complétée par une optimisation finale par calcul béton armé non linéaire avec un modèle numérique raffiné.
1 Introduction
Un bâtiment en béton armé est dimensionné à l’explosion accidentelle du matériau pyrotechnique qu’il abrite. Cette explosion génère une onde de souffle qui se propage à l’intérieur du bâtiment. Les parois d’about qui sont uniquement constituées de bardages sont soufflées. La structure en béton armé peut être endommagée mais ne doit pas s’effondrer suite à cette explosion. Cette structure est constituée de deux voiles latéraux et d’une dalle de toiture en béton armé, ainsi que de poteaux de renfort et de poutres en retombée en toiture qui sont eux-aussi en béton armé.
La particularité du chargement est qu’il varie dans le temps et dans l’espace. L’onde de surpression se propage dans le local depuis sa source, et est réfléchie par les parois et le plafond. Les ondes réfléchies se recombinent entre elles et génèrent finalement sur les parois et le plafond une succession de phases de chargements positives et négatives. De plus, comme la source a une géométrie rectangulaire et est de faibles dimensions par rapport au bâtiment, le front d’onde initial est ellipsoïdal. Par conséquent, même si le profil temporel de pression est uniforme sur l’ensemble du front d’onde, les chargements des parois et de la toiture sont donc des charges roulantes. La combinaison de l’ensemble de ces facteurs implique un chargement temporel variant selon les zones d’une même paroi. Nous verrons plus loin dans cet article que cet aspect est important pour analyser les réponses globale et locales du bâtiment.
L’Eurocode 2 dicte les règles pour l’analyse structurale et pour la vérification des états limites ultimes de résistance [1]. Les phénomènes dynamiques ne sont pas abordés spécifiquement. La mise en pratique de l’Eurocode 2 par une approche conventionnelle nécessite toutefois de traduire le chargement dynamique en charge statique équivalente [2]. Compte tenu de la multiplicité des zones de chargement, des différences probables de fréquences propres selon les zones, et de la complexité des profils temporels de pression, cette démarche peut d’une part s’avérer très conservatrice, et d’autre part manquer de déceler des phénomènes locaux nécessitant des dispositions constructives particulières comme la torsion locale par exemple.
Nous proposons une approche de dimensionnement qui permet d’appliquer les règles de l’Eurocode 2, tout en discrétisant l’espace et le temps. Il s’agit de coupler un calcul dynamique aux éléments finis linéaire avec un calcul de ferraillage Eurocode 2 sur le torseur enveloppe pour chacune des mailles du modèle. Cette méthode est applicable à l’ensemble des zones du bâtiment, y compris celles qui présentent des singularités géométriques. Sur les zones courantes du bâtiment, le ferraillage peut encore être optimisé en appliquant une méthode de calcul non linéaire, dans laquelle le béton et le ferraillage sont explicitement modélisés avec les non linéarités de leurs lois de comportement.
L’aspect novateur de la méthodologie proposée est l’enchaînement du calcul dynamique de dimensionnement, qui permet d’obtenir une première définition des sections d’armatures à mettre en place, avec un deuxième calcul plus fin pour optimiser ces sections dans les zones où cela présente un intérêt. On optimise ainsi le dimensionnement tout en évitant de réaliser plusieurs fois un calcul fin sur l’ensemble de l’ouvrage, ce qui serait plus lourd à mettre en œuvre.
2 Description du bâtiment et du cas de charge
Le bâtiment qui servira d’illustration pour l’application de la méthode proposée est un hall en béton armé constitué cinq portiques (Figure 1). Il a une longueur d’environ 40 m, une largeur d’environ 20 m et une hauteur d’environ 15 m. La trame des portiques est d’environ 6 m. Il est composé de voiles et d’une dalle de toiture d’épaisseur 40 cm, ainsi que de poteaux de renforts de section 50 cm x 90 cm et de poutres de section 50 cm x 160 cm. Les poutres ont une retombée sous plafond de 40 cm de hauteur (Figure 2).
Les voiles présentent des ouvertures correspondant à des portes. Un petit bâtiment que nous nommerons « chicane » est mitoyen au voile Est. La face sud est constituée d’un bardage considéré comme étant soufflé lors de l’explosion. Un autre bâtiment est accolé à la face Nord. Ce dernier n’est pas présenté dans cet article.