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Préface 5
Table of Contents
L’architecture moderne
Principes et mutations
L’architecture moderne
Introduction
Le mouvement moderne est né de l’histoire, contre l’histoire. Vis‐à‐vis d’un passé auquel il ne cesse de faire référence tout en déclarant s’y opposer, il a che la continuité autant que la rupture. De cette ambiguïté se dégage une vision paradoxale : libérée de toute allusion à des formes ou des pratiques antérieures, la modernité n’en est pas moins assoiée de justifcations généalogiques qui lui permettent d’asseoir la légitimité de ses origines. La radicalité révolutionnaire du changement qu’elle a apporté renvoie à un passé réécrit où elle retrouverait ses racines. En cela, elle n’apparaît pas bien di érente de la grande Renaissance, son modèle inavoué. À l’idéalisme antique, elle substitue la permanence d’une modernité qui aurait traversé les siècles sans rien perdre de sa portée messianique. De Sigfried Giedion à Nikolaus Pevsner en passant par Henry‐Russell Hitchcock, aucun des grands prophètes du mouvement moderne n’en a douté. Il aura fallu attendre la génération d’après‐guerre pour que ces certitudes s’émoussent et que le regard sur l’histoire se nuance d’interrogations qui en relativisent l’héritage.
À première vue, l’ouvrage de Peter Collins reste dans la tradition héroïque des débuts du mouvement moderne. Son auteur ne manque pas de renvoyer à ses illustres aînés dont il semble partager les convictions, mais ce n’est qu’apparence. Sa lecture de l’histoire porte sur la longue durée, dans un esprit somme toute proche de l’école des Annales (même s’il ignore Fernand Braudel et cite plus volontiers des historiens de l’architecture comme John Summerson ou James Maude Richards). Certes, il ne va pas jusqu’à prendre Brunelleschi pour père fondateur de l’architecture moderne
— il aurait pu, comme on l’a fait volontiers après lui
— et lui substitue Hawksmoor, à la fois plus proche dans le temps et dont la culture lui est plus familière (ce que vient tout juste de révéler l’exceptionnel ouvrage d’Emil Kaufmann, e Architecture of the Age of Reason, paru en 1953). Il n’en demeure pas moins soucieux de se dégager de la chronique pour tracer les lignes de force de la pensée architecturale sur une période qui couvre l’époque contemporaine dans son entier, entre 1750 et 1950 (dans les faits, il s’étend même depuis le début du xviiie jusqu’aux années soixante de son siècle).
Cette prise de distance lui est indispensable au plan méthodologique, car elle lui permet de mieux a rmer
— exemples à l’appui
— les incertitudes et les contradictions qui ont traversé le monde contemporain.
Le titre français de son ouvrage (choisi pour une traduction que la mort devait l’empêcher de conduire à son terme) est encore plus explicite que la formulation anglaise : aux principes de l’architecture moderne, il oppose leurs transformations durant deux siècles. On remarquera l’étrange pluriel qui laisse planer le doute sur la portée théorique du mouvement, comme si ce dernier n’avait d’autre signi cation que de se plier à l’évolution des idées et leur confrontation dans la longue durée. Sans aller jusqu’à voir en Robert Venturi son disciple, on ne peut s’empêcher de remarquer la concordance de leurs interrogations, soulignant des incertitudes théoriques ou des oppositions qui font de la modernité un état de crise permanent entre des projets somme toute contradictoires. D’une certaine manière, Peter Collins établit véritablement le mouvement moderne dans le temps de l’histoire, car il est le premier à ne pas instrumentaliser complètement cette dernière au pro t d’une doctrine qui se voulait jusqu’alors univoque.
Une lecture plus attentive de l’ouvrage révèle un trait particulier de sa pensée : il fréquente assez peu les historiens contemporains de l’architecture, dont il évacue en général le nom dès l’introduction. Plutôt que la référence aux études académiques, il privilégie, à la manière de Rudolf Wittkower, l’analyse d’une multitude de sources secondaires
— pour l’essentiel, des ouvrages ou des articles de périodiques anciens qui lui permettent de retrouver l’esprit de l’époque sur laquelle il travaille. La méthodologie rigoureuse propre à la formation en histoire de l’art dans les pays anglo‐saxons n’y est certes pas étrangère, non plus que l’expérience qu’il a acquise durant la guerre comme o cier de renseignement. La proximité entre le travail de l’historien d’art et l’enquête policière est un trait avéré du métier : l’intuition s’y développe à partir de fragments d’informations dont la cohérence est par dé nition hypo‐ thétique ! Elle prend ici une force particulière, Collins se refusant à accepter les synthèses antérieures (ou, plus exactement, se plaisant à en démonter les prémices et en souligner les faiblesses pour reconstruire une vision totalement nouvelle de l’histoire de l’architecture contemporaine — vision à laquelle nous adhérons aujourd’hui sans réserve).
Cet ouvrage majeur, écrit il y aura bientôt cinquante ans, n’avait pas béné cié jusqu’ici d’une traduction en français. L’érudition de son auteur anglo‐américain explique en partie un tel retard, le public francophone ne maîtrisant pas la culture d’un universitaire rompu à la lecture des romans anglais du xviiie tout autant que des revues d’architecture du xixe siècle… Il aura d’ailleurs fallu à Pierre Lebrun, traducteur attentif d’une pensée dont les nuances sont parfois di ciles à cerner (et dont l’humour corrosif prend bien souvent notre naïveté en défaut), des années de recherche pour reconstituer le l d’une pensée elliptique. Peter Collins, avec ce sens esthétique exacerbé qu’il avait hérité des amateurs ou des aristocrates de l’ancien régime, s’était o ert le luxe de supprimer les notes renvoyant à ses sources. Sans doute jugeait‐il que ses lecteurs devaient être en mesure de le comprendre à demi‐mot. Quoi qu’il en soit, il était bien di cile de suivre une pensée riche d’érudition quand on ne connaissait ni l’origine, ni la forme exacte des citations auxquelles elle renvoyait. À l’e ort de traduction s’est donc ajouté le travail fastidieux (mais ô combien enrichissant) de restitution des références et des citations dont son ouvrage est rempli. On n’est pas loin, à ce niveau, de l’édition critique — ce qui rendra cette traduction exemplaire pour tous les chercheurs à venir, en leur restituant l’univers culturel de l’auteur derrière le masque de son indifférence a ectée.
Au sommaire:
Préface 5
- par François Loyer
- Préface de la seconde édition
- par Kenneth Frampton
- L’architecture moderne, principes et mutations
- Introduction
- Première partie
- Romantisme
Chapitre 1
- Une architecture révolutionnaire
Chapitre 2
- L’influence de l’historiographie
Chapitre 3
- L’influence du pittoresque
- Deuxième partie
- Revivalisme
Chapitre 4
- La prise de conscience des styles
Chapitre 5
- Primitivisme et progrès
Chapitre 6
- Néo-romain
Chapitre 7
- Néo-grec
Chapitre 8
- Néo-Renaissance
Chapitre 9
- Nationalisme gothique
Chapitre 10
- Ecclésiologie gothique et réformes sociales
Chapitre 11
- Polychromie
Chapitre 12
- Éclectisme
Chapitre 13
- L’aspiration à une architecture nouvelle
- Troisième partie
- Fonctionnalisme
Chapitre 14
- L’analogie biologique
Chapitre 15
- L’analogie mécanique
Chapitre 16
- L’analogie gastronomique
Chapitre 17
- L’analogie langagière
- Quatrième partie
- Rationalisme
Chapitre 18
- L’influence des ingénieurs civils et militaires
Chapitre 19
- Rationalisme
Chapitre 20
- La question des nouveaux plans
- Cinquième partie
- Influence des arts apparentés
Chapitre 21
- L’influence de la littérature et de la critique
Chapitre 22
- L’influence du design industriel
Chapitre 23
- L’influence de la peinture et de la sculptureChapitre
- Conceptions nouvelles de l’espace
- Épilogue
Notice bibliographique
Annexes
Notices biographiques
Index des lieux et des monuments cités
Index des noms cités
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